Maudite soit la guerre : La mort de Gaston à Verdun   Mise à jour récente !


Verdun : Pertes : plus de 300.000 tués et disparus, dont 163.000 Français
Munitions consommées : entre 60 et 80 millions d’obus

J’écrivais dans un article : Maudite soit la guerre !

« La guerre de 14-18 a laissé des séquelles indélébiles dans ma famille. Mes quatre arrières grands-pères ont été mobilisés pour cette guerre. L’un d’eux est mort pour la France à Verdun âgé de 27 ans laissant une veuve de 26 ans et une petite fille orpheline de 3 ans, ma grand-mère maternelle : Joséphine Jeannette DUMONTEIL née le 12 août 1913 au Chalet de Landeron à Pompignac (33) et décédée le 10 mars 1988 à Bordeaux (33) à l’âge de 74 ans [4 jours avant la naissance de ma fille Julie née le 14 mars 1988] « Adoptée par la Nation suivant jugement du tribunal civil de Bordeaux, en date du quatorze février 1923 ». Mariée le 16 mai 1933 à la mairie de Bordeaux à l’âge de 19 ans et 9 mois avec Étienne Jean VENDREDI âgé de 22 ans et 2 mois, né le 13 décembre 1910 au Pont-Castaing à Pompignac (33)* et décédé le 10 janvier 1992 au Pont-Castaing à Pompignac (33)* à l’âge de 82 ans. »

Gaston, Marie et ma grand-mère Jeanne, après le 10 juin 1915, date à laquelle il est devenu Sergent.

Donc mon arrière-grand-père est mort à Verdun. Gaston DUMONTEIL est né le 7 août 1889 (mercredi) à Mazieras – Issac, 24400, Dordogne. Fils de Jean DUMONTEIL 1846-1911..1920 (Cultivateur) & Catherine PAGNOU 1856-1920/. Marié le 18 mars 1911 (samedi), Mairie – Issac, 24400, Dordogne avec Marie BLONDY (13 juin 1890 – 9 juillet 1933) (Parents : Louis BLONDY 1859-1944 & Suzanne LAMY 1856-1938) (témoins : Louis BLONDY 1859-1944, Suzanne LAMY 1856-1938 , Jean Pierre DUMONTEIL 1846-1911..1920 , Catherine PAGNOU 1856-1920/ ) 2 enfants, 2 filles. Aînée née 2 mois après le mariage et décédée à l’âge de 4 mois, 6 mois après le mariage Age des parents : 21 ans et 9 mois & 20 ans et 11 mois. »

Il a fait la campagne contre l’Allemagne. Arrivé au corps le 3 août 1914, caporal le 23 mars 1915, sergent le 10 juin 1915. Si vous souhaitez suivre ses pérégrinations, lire l’Historique du 9ème régiment d’infanterie – 1914-19181.

Gaston est décédé le 1er août 1916 (mardi) à 15h de blessures de guerre à l’ambulance 9/6 – Mort pour la France – à Verdun, 55100, Meuse, Lorraine, à l’âge de 26 ans. Inhumé en 1916 au cimetière militaire de Landrecourt – Landrecourt-Lempire, 55100, Meuse, Lorraine, tombe n°162.

J’avais retrouvé presque par hasard – mais nous savons très bien que le hasard fait bien les choses ! – la tombe de Gaston lors d’un week-end à Verdun. Lorsque j’étais président du Centre socioculturel des 3Cités à Poitiers, avec le directeur, Vincent Divoux, et les administratrices Evelyne et Solange nous étions allés à l’assemblée générale de la fédération nationale des centres socioculturels qui se tenait à Verdun début juin 2010. Lors d’un temps libre le samedi avec Vincent, nous avons visité la ville et sommes passés devant le monument à la victoire et aux soldats de Verdun dont la crypte abrite les répertoires des noms des soldats titulaires de la médaille de Verdun. J’ai dit à Vincent que l’un de mes arrières-grands-pères avait été tué à Verdun et il m’a proposé d’aller le rechercher. Comme je ne me souvenais pas de son nom, j’ai téléphoné à ma mère qui me l’a donné. Nous avons très rapidement retrouvé sa fiche et la personne qui s’est occupée de nous nous a dit d’aller à l’office du tourisme pour qu’ils nous indiquent où il été enterré. Ce que l’on a fait. Et le lendemain en repartant mes compagnons ont accepté avec joie de participer à l’enquête. A l’époque il y avait trois nécropoles à Landrecourt. Nous nous sommes arrêtés à la première. Comme il n’y avait pas de registres, ils avaient été volés, nous nous sommes séparés pour chercher, sa tombe. C’était immense mais au bout d’un moment Vincent m’a appelé. Il avait trouvé.

Il y a plus d’un an ayant acquis le livre de Jacques Péricard, Verdun 1916, Nouvelle Librairie de France, 1997, j’ai essayé de localiser où à Verdun il a été tué. La première source que j’avais Campagne 1914 – 1918 – Historique du 9e Régiment d’Infanterie, Librairie Chapelot – Paris, Source : B. D. I. C. – Droits : Domaine public – Transcription intégrale : P. Chagnoux – 2016, 6 / 622.

Nous pouvons y lire pp. 5-6 « Fin juin, la gigantesque bataille pour Verdun atteint le maximum de sa violence. L’heure de participer à cette lutte de géants est venue pour le 9e. Quand il arrive à Verdun, le Boche vient de prononcer (11 juillet) une forte attaque qui l’a conduit au fort de Souville, à la poudrière de Fleury, à la côte de Froideterre (3 kilom. 500 du Faubourg Pavé). Il s’agit de tenir sur place, puis de réduire cette poche angoissante. C’est ce plan que le 9e réussit à exécuter : impassible sous les barrages de 210, de toxiques, il progresse pied à pied et aménage la parallèle de départ pour l’attaque du 3 août. Cet assaut, donné par les unités du 8e corps avec l’aide du 9e et des autres régiments de la Division, conduit nos valeureuses troupes, entraînées par des officiers d’élite tels que les lieutenants de BATAILLE, VIOLOT, BROQUIÈRE, LABRO, jusque sur les glacis au sud du fort de Douaumont. Le sergent MATHIEU capture à lui seul 40 ennemis et, mortellement frappé par un officier allemand, réussit dans un suprême effort à terrasser son ennemi. Un chef de bataillon du régiment de droite, écrit alors au colonel de LA GUIGNERAYE pour lui exprimer l’admiration qu’il éprouve devant les exploits des « grenadiers du 9e ». Mais placés en flèche et violemment contre-attaqués, nous devons rétrograder jusqu’au village de Fleury, où nous nous maintenons solidement. »

Jacques Péricard, Verdun 1916, Nouvelle Librairie de France, 1997 écrit : « Nivelle insiste sur l’urgence d’une contre-attaque destinée à dégager le fort de Souville. Il hâte dans ce but le transport de la 37e D.I. et la met à la disposition du général Mangin. Dès la veille [soit le 10 juillet], le général en chef autorisait l’acheminement sur Verdun de la 33e D.I. [général Eon : 65e Brigade (9e et 207e R.I.) et 66e Brigade (11e et 20e R.I.)] et du 16e C.A. (général Grossetti). […] (le 20 juillet) a violence de la lutte oblige le commandement à dépenser toute le 33e D.I. ; une brigade est donnée à la 8e D.I. Et l’autre à la 37e. Jacques Péricard, Verdun 1916, Nouvelle Librairie de France, 1997, pp. 449-466

« Engagée à partir du 20 juillet dans la bataille de Verdun, vers l’ouvrage de Thiaumont et le bois de Vaux Chapitre.

– 24 juillet : attaque française sur l’ouvrage de Thiaumont.

– 25 juillet : front réduit, à droite, jusque vers Fleury-devant-Douaumont.

– 2 – 3 août : attaques françaises sur Fleury-devant-Douaumont. » Page Wikipédia de la 33e division d’infanterie (France)

Gaston est décédé le 1er août à 15h. Son régiment, le 9e régiment d’infanterie, est arrivé vers le 10 juillet à Verdun. Et est totalement engagé dans la bataille à partir du 20 juillet. Et cela dans le périmètre du fort de Souville, à la poudrière de Fleury, à la côte de Froideterre, à ouvrage de Thiaumont, et dont le point central est Fleury-devant-Douaumont.

N’ayant pas plus d’informations et de précisions, je décide d’aller visiter ce village détruit.

J’ai laissé ma voiture au Mémorial de Verdun à quelques minutes du centre du village de Fleury. Ce n’est qu’en arrivant vers la chapelle qui j’ai réalisé que depuis le début je naviguais dans cette campagne remodelées par les trous d’obus. J’ai lu quelque part qu’un obus est tombé au cm² à Verdun. Ici cela doit être encore pire.

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour finir quelques témoignages.

« Nous sommes dans une longue tranchée , pleine de morts ; une odeur affreuse monte de l’immense charnier. Jusqu’au petit jour tout restera relativement calme. Soudain, le barrage boche se déclenche. Je vois des camarades, les yeux agrandis par l’épouvante, regarder vers le ciel, frappés de stupeur. Je regarde à mon tour, et je vois, retombant d’au moins 20 mètres, une pauvre chose inerte, bras et jambes ballantes, comme un pantin sans articulations qu’on aurait jeté d’un avion , d’un ballon. C’est un camarade qui a été soulevé comme une plume par le déplacement d’air de l’obus ». (G. MARYBRASSE, agent de liaison 115e R.I.)

« On glisse de trou en trou, on rampe dans la terre encore chaude, on heurte des cadavres. Nous voici à deux pas de la chapelle… Soudain nous nous dressons ; les grenades pleuvent sur les trous remplis d’Allemands ; ils décampent ou sont pris ; on se terre dans la petite cave, seul reste de l’ancienne chappelle. » (Marc MONNET, mitrailleur, 169e RI, Jacques Péricard, Verdun 1916, Nouvelle Librairie de France, 1997, p. 465)

« Secteur de Fleury-Thiaumont. Nuit du 25 au 26 juillet – Nous montons en ligne ; les courroies de mes cartouchières, des bidons et des musettes surchargées me gênent pour respirer, le col de ma capote m’étrangle et ma toile de tente roulée en sautoir me paraît d’un poids immense. Mes jambes ne me supportent plus, et à chaque instant, je butte et roule au fond d’un trou d’obus. Mon bidon de deux litres presque plein de vin vient d’être percé par un éclat ou une balle, car je le sens qui coule sur ma capote et mes jambes. Mon corps vacille. Je halète, j’entends tout proche le tac-à-tac des mitrailleuse. Jamais je n’arriverai…

« 26 juillet – La redoute dans laquelle le commandant de bataillon a installé sont poste est particulièrement dangereuse car les mitrailleuses ennemies l’arrosent sans arrêt, et les ricochets nombreux des balles font des blessures affreuses.

« Le bataillon doit attaque à 17 heures, sans préparation d’artillerie, avec les 115e RI qui est à notre gauche. Nous approvisionnons nos fusils.

« Tout à coup un furieux bombardement nous entoure d’éclairs, et l’ouverture de la redoute est envahie de fumée. L’attaque se déclenche, les mitrailleuse claquent, et tout ce bruit est dominé par le miaulement furieux du 75. De violents coups ébranlent notre . Dix minutes, un quart d’heure… Pas d’accalmie. Le commandant s’impatiente : « Fourriers, allez voir ce que font vos compagnies ! » Quoi, il faut sortir de cet abri., se jeter dans ce brasier?Mais en sortant nous serons réduits en bouillie !… J’ajuste mon fusil dans le dos, mes musettes, je crispe mes mains, et les yeux fermés, je m’élance comme je me jetterais dans un brasier ou me précipiterais dans le vide, avec la conviction que je ne ferai pas deux pas.

« 27 juillet – L’avance a été hier au soir de 50 mètres environ, et au prix de quelles pertes !

« 28 juillet – L’effectif de la compagnie est réduit à une quarantaine de têtes environ. Nous étions 180 en arrivant à Verdun !…

« Tous les officiers de la compagnie sont tombés, le lieutenant Vignaud arrive vers les 6heures pour prendre le commandement de la compagnie. A 10 heures il est tué.

« Le 1er bataillon attaque à 12h45, avance de quelques centaines de mètres et enlève une redoute. Cette attaque déclenche sur notre secteur un bombardement qui dure plus de deux heures, mais est-il plus violent que d’habitude ? Je suis tellement abruti, brisé de fatigue, que je suis incapable de discerner une odeur, un bruit, un goût, une sensation. Mon cerveau est vide. Depuis trois jours, je n’ai rien mangé… Je bois de l’eau infecte, je ne dors pas.Avec l’angoisse, la peur, le bruit, la chaleur que nous éprouvons, ce sont là je crois, réunies toutes les souffrances qu’un être humain peut endurer. Mes nerfs sont tendus à bloc. Ah, vite, vite, que nous sortions de cet enfer, car j’ai l’impression que je vais devenir fou… » (Paul RONDEL, sergent-fourrier, 20e R.I. in Jacques Péricard, Verdun 1916, Nouvelle Librairie de France, 1997, p. 472)

Pour mémoire le 20e R.I. comme le régiment de Gaston, le 9e R.I. faisait parti de la 33e D.I. [général Eon : 65e Brigade (9e et 207e R.I.) et 66e Brigade (11e et 20e R.I.)]. Nous sommes peut-être proches ici de ce qu’il a vécu.

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