Ordonnance de la Cour d’appel administrative de Bordeaux 28 juin 2019


Ordonnance de la Cour d’appel administrative de Bordeaux sur l’affaire Chazerans

« M. Chazerans, professeur certifié de philosophie depuis 1999, affecté au lycée Victor Hugo de Poitiers, s’est vu reprocher d’avoir, le 8 janvier 2015, au lendemain de l’attentat commis contre la rédaction du journal satirique « Charlie-Hebdo », tenu des propos inappropriés tendant à légitimer l’assassinat des journalistes. […]

Il ressort des pièces du dossier que le proviseur du lycée Victor Hugo a été destinataire le 14 janvier 2015 d’une lettre adressée par un parent d’élève lui faisant part de son étonnement concernant les propos tenus le 8 janvier 2015 en classe de terminale par M. Chazerans, lors d’un débat organisé avec les élèves portant sur l’attentat commis la veille dans les locaux de « Charlie-Hebdo ». Ce parent d’élève s’étonnait de ce qu’un professeur puisse excuser un acte de terrorisme et faire part en classe de son opinion politique ou religieuse, et y rapportait que, selon sa fille, M. Chazerans avait notamment affirmé que « les militaires envoyés dans les pays en guerre c’est de l’impérialisme » ou encore que « les crapules de Charlie-Hebdo ont mérité d’être tuées ».
À la suite de ce courrier, le recteur de l’académie de Poitiers a diligenté une enquête, qui s’est déroulée le 19 janvier 2015 dans les locaux de l’établissement, au cours de laquelle ont été auditionnés le proviseur et plusieurs élèves de M. Chazerans. Selon les conclusion du rapport d’enquête, si l’enseignant a déploré les meurtres, il a qualifié d' »hystérie » l’émoi collectif des citoyens français, n’a pas laissé ses élèves participer à la minute de silence organisée dans l’établissement, a effectivement qualifié les journalistes assassinés de « crapules » et soutenu la thèse selon laquelle ils avaient eux-mêmes provoqué leur sort en publiant des caricatures, et a dénoncé l’impérialisme des pays occidentaux en illustrant son propos d’un article issu d’un blog radical. […]

Il ressort des pièces du dossier, en particulier des procès-verbaux d’audition des témoins et du courrier en date du 27 février 2015 adressé au recteur de l’académie de Poitiers par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Poitiers, que si les éléments recueillis au cours de l’enquête judiciaire ont conduit à constater que les propos tenus par M. Chazerans le 8 janvier 2015 ne relevaient pas de la qualification d’apologie d’actes de terrorisme , celui-ci ayant clairement condamné l’attentat et n’ayant pas soutenu que les journalistes assassinés avaient mérité leur sort, contrairement à ce qui ressortait du courrier de dénonciation, ses propos n’en étaient pas moins particulièrement inadaptés et polémiques. Le procureur relève ainsi, se référant aux témoignages concordants des élèves, que l’enquête a permis de confirmer que l’intéressé, au cours du débat qu’il a animé au sein de sa classe, a effectivement traité les journalistes de « Charlie-Hebdo de crapules et a assimilé les militaires français engagés sur des opérations extérieures à des terroristes, étayant son propos par une référence à un blog militant.

Ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, la matérialité des faits sur lesquels est fondée la sanction disciplinaire en litige doit être regardée comme établie. Ces faits, qui ne peuvent se justifier par une quelconque finalité pédagogique, constituent une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire dès lors qu’ils caractérisent une méconnaissance évidente par l’enseignant de son devoir de neutralité et de réserve, au surplus dans un contexte qui imposait de sa part une retenue particulière.

Compte tenu des manquements évoqués ci dessus, et alors qu’il ressort par ailleurs des éléments du dossier que M. Chazerans est coutumier, dans le cadre des ses cours, de faire part de ses opinions militantes et de tenir des propos inappropriés ou provocateurs dans les domaines de la politique, des questions de société ou de la sexualité, et avait fait l’objet en conséquence d’une précédente sanction disciplinaire prononcée moins de neuf mois auparavant, la sanction de déplacement d’office n’apparaît pas disproportionnée ».

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