Réponse à l’article Ecole en mouvement, Nouvelle République du 09 mai 2009   Mise à jour récente !


« Parmi les ministres de l’Éducation nationale qui auront marqué, on retiendra peut-être Xavier Darcos. Non pas que celui-ci ait réussi à amorcer le dialogue avec les syndicats enseignants, ni qu’il ait pu faire passer en douceur une réforme mais, au moins, il a osé. Certains parlaient maladroitement de “ dégraisser le mammouth ”, lui a montré sa détermination à faire en sorte que l’on remédie à une sclérose où se complaisent nombre de professionnels. Certes, le milieu de l’entreprise, surtout actuellement, n’est pas forcément un exemple, mais chacun y a œuvré en se remettant régulièrement en cause pour qu’il continue d’avancer. Des enseignants ont eu le courage d’en faire autant. Ce serait dommage qu’on ne les écoute pas alors qu’ils n’ont comme seule ambition que la réussite de nos enfants. »

A propos de l’article Ecole en mouvement, publié dans votre édition du 09 mai 2009, vous parlez d’une « sclérose où se complaisent nombre de professionnels » de l’Education Nationale et vous faites une comparaison particulièrement de circonstance avec l’entreprise. Il est significatif d’ailleurs que, parmi les trois lycées choisis dans la Vienne, il y ait un lycée PRIVÉ et le… LPI. Il faut quand même rappeler que logiquement l’école privée, puisqu’elle est privée, devrait mieux satisfaire les exigences de l’entreprise, être moins « sclérosée », « œuvrer en se remettant en cause » mieux que le service public d’éducation. Or, il n’en est rien. Comme ce dernier, elle vit de ses subventions données par l’État, non pas comme lui pour le bien de tous, mais au profit de ceux qui en ont les moyens.

Le LPI ou « lycée Monory » a été créé en 1987 alors que le maire de Loudun était président du conseil général de la Vienne et ministre de l’éducation nationale pour montrer que cette dernière peut faire aussi bien que l’école privée lorsqu’elle en a les moyens. René Monory a placé d’emblée le LPI dans une logique entreprenariale de concurrence et l’éducation dispensée en son sein dans une logique libérale. Les enseignants de cet établissement ont bien oeuvré pour inverser cette tendance et y ont souvent réussi. Mais, malgré eux, l’expérience du LPI a servi à sa manière à préparer les réformes que nous connaissons aujourd’hui.

Xavier Darcos, loin d’« oser » et de « remédier » ne fait que pousser toujours plus loin la privatisation du service public d’éducation, sa libéralisation, sa marchandisation, avec sa mise en concurrence des établissements, des professeurs et des élèves. La lente casse de l’école programmée depuis un certain temps, comme le soutiennent Eddy KHALDI et Muriel FITOUSSI dans leur ouvrage Main basse sur l’école publique (Demopolis, 2009).

(Cf. http://www.dailymotion.com/video/x7b1sa_la-faisabilite-politique-de-lajuste_news et http://www.dailymotion.com/video/x7oas5_la-faisabilite-politique-de-lajuste_news )

Résultat : l’école publique est moribonde alors que l’école privée et surtout le secteur privé péri-éducatif, particulièrement les cours particuliers, sont florissants. 11 5000 postes de moins l’année dernière, des classes surchargées (nous sommes passés dans certaines classes à 36 élèves cette année dans mon lycée et, par exemple, en TES nous sommes passés d’une moyenne de 30 élèves par classe en 2005-2006 à une moyenne de 35 élèves par classe cette année), classes surchargées dans lesquelles nous n’avons plus le temps de nous occuper comme nous devrions de nos élèves, surtout ceux qui sont en difficulté. Ce qui est appelé « réussite » n’est en fait que la prédominance de la sélection sur l’éducation, la compétition entre élèves et l’élimination des plus faibles. Tout cela, et le reste, font qu’administrations, enseignants et élèves sont sous pression, que le malaise est de plus en plus profond et que l’école n’est plus très loin de l’incident majeur. Que cette situation soit aussi celle de l’hôpital, de l’université, de la justice, de la pénitentiaire, de la culture et même du monde associatif, n’est pas non plus fait pour nous rassurer.

Jean-François Chazerans
Professeur de philosophie
Poitiers

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