Le mot du président à l’Assemblée Générale des Centres Socio-culturels des 3 Cités mai 2009


Lors de la journée d’action du 25 mars dernier « Que serait la vie sans associations ? », les associations du quartier présentes au débat, ont décidé d’informer leurs adhérents et de faire le point avec eux sur le devenir du monde associatif et de leur association en particulier lors de leur Assemblée Générale. Il a été décidé de se rencontrer tous les mois afin de rester vigilants. Lors de la dernière réunion nous avons convenu de lire à nos AG respectives une partie du tract fait par la Conférence permanente des coordinations associatives qui a pour titre : Les associations sont en danger

Je reprends le texte tel quel.

« Les attaques dont est victime le monde associatif prennent de plus en plus des aspects inquiétants pour l’avenir de nos associations.

Les causes

  • Baisse drastique des crédits et désengagement massif de l’Etat sous couvert de sa réorganisation.

  • Insuffisance des concertations entre élus locaux et représentants de l’Etat à propos des initiatives des associations.

  • Relations entre pouvoirs publics et associations marquées dans de nombreux domaines par le passage d’une logique de partenariat à une logique de prestation.

  • Mise en concurrence entre associations.

  • Partenariats Etat-associations bouleversés

  • Clientélisme, inquisition des contrôles allant jusqu’à remettre en cause le projet et la souveraineté des associations.

Les conséquences
– Les moyens des associations se réduisent et précarisent les actions, les emplois.
– Certaines actions vont s’arrêter faute de positionnements clairs (et dans les temps) des financeurs.
– Les territoires deviendront des déserts culturels, sans aucune animation d’aucune sorte.
– Les partenariats Pouvoirs publics-associations seront bouleversés et parfois dirigées vers le secteur privé lucratif.
– Les associations les plus faibles, qui auraient besoin de soutien, vont être éliminées au profit du secteur marchand.
– Les projets associatifs, indispensables au lien social, à la vie dans la cité, dans les territoires, sont considérés désormais comme un chantier de peinture, la construction d’un rond-point, d’une route ou d’une voie de TGV. »

Pour ce qui est précisément de notre Centre Socio-Culturel, il se porte bien financièrement. Le budget est stable et même en légère augmentation entre 2007 et 2008 et le prévisionnel est équivalent pour 2009. Il n’y a pas, en l’état de nos connaissances, de diminution prévue des subventions pour l’année en cours comme c’est le cas pour d’autres maisons de quartiers de Poitiers en particulier le Toit du Monde et la Maison des 3 Quartiers. Par rapport à eux nous avons la chance (ou la malchance, c’est selon) à la fois de ne dépendre que faiblement du financement de l’Etat (et donc de ne pas avoir à supporter son désengagement ou ce qu’on nomme pudiquement la Réforme Générale des Politiques Publiques) et à la fois d’être dans un quartier prioritaire.

Mais nous sommes particulièrement inquiets car, comme les règles changent, nous ne savons quand même pas où nous allons. Il semblerait que nous soyons réduits de plus en plus à n’être qu’un prestataire de service. D’autant plus que, de plus en plus de missions nous sont confiées, de plus en plus de demandes nous sont adressées, sans financements supplémentaires. On nous reproche parfois d’opposer une logique de projet avec une logique d’évaluation mais c’est inexact, nous ne faisons que contester ce qu’on pourrait nommer la spirale de la politique du chiffre dans laquelle la quantité l’emporte toujours de plus en plus sur la qualité.

Un autre sujet de préoccupation est que, non seulement les entreprises mais aussi les individus, et maintenant les associations, sont dorénavant en compétition et en concurrence. Nous ne sommes pas touchés pour le moment mais, par exemple, nous restons très vigilants par rapport à la venue du Patronage Saint-Joseph sur le quartier au stade des Terrasses et à la création d’un autre centre de loisirs. Cette mise en concurrence qui fragiliserait les associations serait facilitée par le prévisible remplacement des subventions par des « bons d’achat » de la même nature que ceux que Nicolas Sarkozy a proposé mercredi 18 février aux partenaires sociaux. (C’est-à-dire que ne seraient plus financées directement les associations, mais les familles qui s’adresseraient aux prestataires de leurs choix, pour celles qui ont la possibilité et les moyens de choisir, bien sûr).

Si tout cela était confirmé, à terme, nous ne pourrons plus mener ce travail quotidien quasi invisible mais pourtant si nécessaire et utile de coopération avec les autres associations et partenaires et d’accompagnement des habitants. Déjà les assistantes sociales du Conseil Général se plaignent que, suite à la multiplication de leurs réunions, elles n’ont plus assez de temps à consacrer à leurs rendez-vous avec les habitants. Les agents de développement CAF ont été redéployés, ce qui a eu comme effet de les isoler des autres acteurs sociaux du quartier. Les écoles et le collège, subissant sans arrêt les assauts des réformes absurdes, se referment sur eux-mêmes et participent de moins en moins à la vie du quartier. Les bailleurs sociaux se sont transformés en « entreprises » et leurs locataires en « clients ». Et nous ne parlons pas de la police qui fût jadis de « proximité » et qui a été recadrée dans un rôle sécuritaire et répressif. Certains habitants, déjà très isolés, se trouvent encore plus délaissés. Où peuvent-ils obtenir de l’aide lorsqu’ils en ont besoin ? Si chacun est cantonné dans son domaine supposé de compétence, si nous devenons nous aussi, comme les autres acteurs locaux, de simples prestataires de service, nous avons bien peur que notre quartier se transforme en un désert relationnel ou même en une jungle où règnera la loi du plus fort. Lors d’une réunion avec l’un de nos financeurs, comme je dénonçais cette dérive de désengagement humain qui isole encore plus des habitants déjà délaissés, le directeur de l’institution a raconté l’anecdote suivante. Avant, si l’un des bénéficiaires n’arrivait toujours pas au bout de trois fois à remplir correctement son dossier, un agent venait l’aider à domicile. Cela n’existe plus aujourd’hui et l’agent a été remplacé par un écran tactile.

Il faut se rendre à l’évidence, le Centre est un rempart, peut-être l’un des derniers, à s’ériger contre le désordre social et culturel. Et ce désordre n’est pas, comme certains voudraient nous le faire croire sans rire, le fait des jeunes ou des habitants des cités, voire le fait de drogués et de leurs dealers ou autres spécialistes des petits trafics, ou encore le fait de pauvres en tous genres, malades alcooliques bien sûr, ou personnes d’origine « étrangère ».

Non, ce désordre est du fait de la crise, de la crise financière, de la crise liée aux abus et autres malversations, qui à défaut de pouvoir être taxés d’illégales sont pour le moins amorales. Cette crise est d’abord et avant tout un danger pour les plus fragiles, les plus malmenés par la vie. Et le Centre n’a donc pas à être un rempart contre eux. Au contraire, dans un esprit de redistribution, il doit particulièrement accompagner ces habitants parmi les plus fragiles et les plus délaissés.

Le Centre est plutôt un rempart contre l’absurdité libérale. Aussi, il s’agit non seulement de résister par tous les moyens, pêle-mêle, contre le désengagement de l’Etat, la déréglementation, l’inflation des lois et des règlements, la politique du chiffre et la bureaucratisation, mais aussi de mettre en place des outils qui permettent de conforter les identités personnelles et de groupes et de permettre les liens, les relations et les rencontres, des outils qui instaurent la négociation, la parole, l’écoute et le dialogue. Des outils qui permettent de réintroduire du sens.

Il faut se rendre à l’évidence, le centre est un formidable outil de création sociale et culturelle qu’il serait dommage de dévoyer, d’affaiblir ou de faire disparaître.

Pour finir, je voudrais remercier infiniment ici tous ceux qui se sont investis sans compter pour que toutes les actions menées soient réussies. Je remercie les bénévoles qui ont donné beaucoup de leur temps (sans oublier les administrateurs toujours présents). Je voudrais aussi remercier les salariés toujours impliqués dans leurs multiples activités ; et Vincent Divoux dont les idées sont toujours si lumineuses. J’adresse mes remerciements à tous, ainsi qu’à nos partenaires institutionnels et associatifs. J’adresse enfin mes remerciements à tous les financeurs, entre autres, la Ville de Poitiers, la Caisse d’Allocations Familiales, l’Etat, le Conseil Général et tous les autres.

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