Soutien aux 4 de Melle : il ne faut rien lâcher !   Mise à jour récente !


Afin de soutenir le mieux que je peux les 4 de Melle, je souhaiterais montrer, à partir de mon affaire, qu’on ne peut en aucune façon faire confiance ni en notre institution ni dans les procédures qui sont censées nous protéger.

J’appelle à la grève et aux manifestations massives le 12 octobre et les jours suivants devant le rectorat de Poitiers.

La procédure à mon encontre a été depuis le début entachée de fautes et n’a absolument pas respecté les droits de la défense, en particulier le droit de savoir de quoi on est accusé et le principe contradictoire. ARTICLE 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, Droit à un procès équitable. « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial ».

1) La lettre accusatrice du parent d’élève arrivée dans l’établissement le 15 janvier 2015 n’a été portée à ma connaissance que lorsque j’ai pu consulter mon dossier administratif le 13 février 2015 soit presque un mois plus tard. Elle ne m’a pas été lue ni même citée non plus lors de l’enquête administrative du 19 janvier 2015.

2) Lorsque mon chef d’établissement reçoit cette plainte de parent d’élève, il ne prend pas contact avec ce dernier mais avec le rectorat et ne vérifie pas auprès des élèves de la classe comme le stipule la procédure. Il ne m’a pas non plus convoqué pour m’entendre ni averti par lettre recommandée qu’il a signalé les faits au rectorat1.

3) De même le rapport de la commission d’enquête n’a été porté à ma connaissance que lorsque j’ai pu consulter mon dossier administratif le 13 février 2015 soit 25 jours plus tard. D’autre part, l’enquête a été menée à charge par les deux inspecteurs pédagogiques régionaux qui font un rapport si bâclé que lorsque nous en avons eu connaissance, mon avocat a affirmé qu’il n’y avait «rien dans ce dossier »2. La première, Claude Roiron, qui avait de grandes responsabilités politiques puisqu’elle était cadre et élue du PS3 avant de tomber en disgrâce et, au lieu d’obtenir la prestigieuse Inspection générale qu’il est probable qu’elle briguait, a fini directrice adjointe des services de l’Éducation nationale à Lille – un placard -. Elle a pu se permettre de répéter aux flics les racontars hors-sujets et mensongers de mes élèves lors de son audition : par exemple, que j’aurais été à cette époque « en couple » avec l’une de mes « anciennes élèves redoublante en terminale majeure ». Elle s’est permise aussi, sans en avoir les compétences, de préjuger ma façon de faire cours et de carrément me juger sans m’avoir inspecté et en m’ayant auditionné 30 minutes : «Sur le contenu des cours de M. Chazerans, je pense que cette personne pose un problème de sérieux dans l’éducation nationale, il n’y a plus sa place à mon avis […] je sais qu’il ne prépare aucun cours c’est ce que nous disent tous les élèves4. […] Je ne vois rien d’autre à vous dire sinon qu’il a une tenue, une présentation et une hygiène qui sont inadéquats pour un enseignant5 ». Et l’autre, Joël Michelin, candidat PS, qui, témoin de l’administration devant la commission de discipline, s’est fait épingler par mon avocat. En effet comme cet inspecteur déclarait avoir auditionné 10 élèves lors de la commission d’enquête administrative, mon avocat lui ayant précisé qu’il n’y en avait que 9 sur le rapport, il lui a répondu qu’ils avaient auditionné d’autres personnes, CPE, infirmière, élèves… mais qu’ils n’étaient pas sur le rapport vu que ce n’était pas probant. Ce à quoi mon avocat a répondu : « vous voulez dire pas assez à charge ? ». C’est dire le sérieux de l’enquête ! Sans parler du début de l’analyse de six lignes de leur rapport administratif : «Monsieur Chazerans est un professeur de philosophie à la dérive, ce qui se voit aussi dans son habillement et sa tenue ». Sans parler non plus du très eichmanien « un fonctionnaire ça fonctionne, M. Chazerans »6 que Claude Roiron m’a lancé à la fin de mon audition devant la commission d’enquête administrative.

Ces inspecteurs ont œuvré dans la précipitation. Ils m’avaient affirmé, sûrement pour me faire peur et se faire mousser, que leur rapport devait être sur le bureau du recteur le soir et sur celui de la ministre le lendemain matin. Ainsi, non seulement ils ont rédigé un rapport à charge mais ils n’ont pas pu veiller « à respecter la règle fondamental du contradictoire. L’enquêteur, une fois qu’il a entendu toutes les parties, doit rédiger un rapport qu’il transmet à l’intéressé pour que ce dernier formule des observations7 ». Je n’ai pu avoir accès à ce rapport mais seulement pour le consulter, que le 13 février près d’un mois après l’enquête administrative. Et, bien sûr, je n’ai pas pu formuler des observations.

Quoi qu’il en soit, le rapport indigent des inspecteurs ne conclut à rien. Il essaie de me mettre maladroitement sur le dos des « propos anti-Charlie », comme si cela était d’ailleurs un délit ou un crime, et n’y arrive pas, m’innocente malgré lui de l’apologie d’actes terroristes, et ne peut pas justifier ma « suspension de 4 mois à titre conservatoire ».

5) Il n’y a rien dans le rapport administratif et lorsque le recteur – qui avait osé me mettre sur le dos dans la presse « des propos déplacés pendant la minute de silence » du 8 janvier 2015 de mon établissement à laquelle je n’étais pas présent8 -, en prend conscience, avec toute la mauvaise foi qui le caractérise9, il demande l’aide du procureur de la république10, Nicolas Jacquet, encore un autre « petit homme » peu recommandable, à moins bien-sûr que l’on soit un puissant et que l’on ait quelque chose à cacher. Passé maître dans la répression des sans-papiers et des sans logis ou mal logés sur Poitiers11, – il a même obtenu la Légion d’honneur en innocentant Gérard Collomb en janvier 202012 -, alors que le rapport de la commission d’enquête administrative m’en innocente, il va quand même lancer une procédure à mon encontre pour « apologie d’actes terroristes » espérant certainement glaner d’autres choses qui pourraient m’être reprochées. Ce procureur n’était pas si impartial que ça et a manifesté une grande volonté de me nuire, car il n’était pas arrivé à me coincer deux ans plus tôt sur une précédente affaire13, le recteur n’ayant pas donné suite aux deux signalements à charge qu’il avait faits à mon encontre. Il lui renverra une troisième fois avec mon dossier pénal. Après une quinzaine d’auditions dont la mienne qui a duré 5 heures durant mes 8 heures de garde à vue, – une demie heure sur les faits reprochés et 4 heures et demie d’une vraie-fausse inspection pédagogique menée par deux flics, et pas des moindres, le grand chef, le commissaire Lebuis (dont on voyait dans sa maîtrise du logiciel informatique que ça faisait très longtemps qu’il n’avait pas auditionné quelqu’un) et dans le rôle de secrétaire qui lui donnait des conseils informatiques, son second, le commandant Faugeroux qui m’avait dit lors d’une précédente audition qu’il s’occupait des affaires de grande délinquance et de terrorisme -, un peu plus d’un mois plus tard, juste le dernier jour où il était encore possible pour le recteur de rajouter des pièces dans mon dossier administratif indigent en vue de la commission de discipline – étonnant non ? -, le procureur lui fait cadeau de mon dossier pénal14 et fait un communiqué de presse partial et malveillant du même niveau de bêtise que le rapport de la commission administrative15. Bien-sûr, et tout le monde le savait depuis le début, je n’ai pas fait d’apologie d’actes terroristes, l’élève à l’origine de la lettre de dénonciation a été la seule à entendre ces propos, et même elle n’écoutait pas et n’a pas compris, mais mes propos, tenus « le jour même d’un deuil national décrété à la suite d’un attentat terroriste ayant particulièrement ému l’ensemble de la communauté nationale, peuvent apparaître particulièrement inadaptés, déplacés et choquants » selon l’avis personnel très subjectif du procureur reposant sur les avis personnels et divergents de mes élèves. Après un rapport administratif bâclé, un communiqué du procureur bancal et malveillant.

3) La commission disciplinaire est une sorte de tribunal stalinien dans lequel le recteur est à la fois accusateur, juge et partie, président de la commission composée de 38 membres, 19 représentants du personnel et 19 représentants de l’administration sous ses ordres directs. Impossible donc pour le mis en cause de faire mieux qu’égalité des voix. Et de toute façon, la commission de discipline n’étant que consultative, c’est le recteur qui décide tout seul à la fin.

4) La substitution de motifs opérée par le Tribunal administratif n’a pas été demandée par le rectorat mais proposée par le Tribunal administratif sans que j’en sois prévenu et sans qu’il me soit demandé de présenter mes « observations sur la substitution ainsi sollicitée ». Ce qui dénote sa partialité et qui a bafoué mes droits à la défense. D’autant plus que le tribunal administratif ne démontre pas qu’il « résulte de l’instruction que l’administration aurait pris la même décision si elle s’était fondée initialement sur ce motif ». La substitution de motif, ainsi que la substitution de base légale d’ailleurs, permettent au juge administratif de « régulariser » ou de « valider » un acte administratif qui, lorsqu’il a été pris par l’administration, reposait sur un fondement erroné. Dans un arrêt dit « Hallal » en date du 6 février 2004, de principe, le Conseil d’Etat considère que « L’administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l’excès de pouvoir que la décision dont l’annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l’auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d’apprécier s’il résulte de l’instruction que l’administration aurait pris la même décision si elle s’était fondée initialement sur ce motif. Dans l’affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu’elle ne prive pas le requérant d’une garantie procédurale liée au motif substitué ». Malgré sa connaissance du classement sans suite par le procureur de l’apologie d’acte terroristes, le recteur garde l’accusation dans son rapport préalable à la Commission de discipline. Ce n’est pas retenu dans l’arrêté de sanction mais le Tribunal administratif le réintroduit en même temps qu’il introduit deux autres motifs : 1) d’avoir qualifié « les auteurs des actes de terrorisme commis en France d’innocents » ; 2) d’avoir assimilé « les militaires français engagés dans les opérations extérieures de lutte contre le djihadisme à des terroristes ». La cour administrative d’appel ne fait plus référence à « l’apologie d’actes terroristes » et à « l’innocence des terroristes » mais garde les « militaires terroristes » et re-rajoute le motif : d’avoir « dénoncé l’impérialisme des pays occidentaux en illustrant [mon] propos d’un article issu d’un blog radical ». Cette fluctuation des motifs bafoue mes droits à la défense en particulier le droit de savoir de quoi je suis accusé et dénote un acharnement à trouver à tout prix des griefs à me reprocher.

5) La partialité de la Cour Administrative d’appel de Bordeaux qui me reproche d’avoir « qualifié d' »hystérie » l’émoi collectif des citoyens français » alors que c’était lors de la commission d’enquête du 19 janvier 2015 et non pas lors du cours du 8 janvier 2015. Et qui MENT carrément en affirmant que je n’ai pas « laissé [mes] élèves participer à la minute de silence organisée dans l’établissement ».

NOTES

1« Dès que des manquements professionnels sont reprochés à un agent, il appartient au chef d’établissement de rappeler à cet agent par un courrier notifié par recommandé avec avis de réception à son domicile les faits précis et établis et à l’inviter à fournir des explications ». Obligations des personnels enseignants du second degré des personnels d’éducation et d’orientation et action disciplinaire, Ministère de l’éducation nationale, D.P.E. – Cellule des affaires contentieuses et disciplinaires https://blog.juliendelmas.fr/IMG/pdf/obligations_des_personnels_enseignants_du_second_degre_des_personnels_d_education_et_d_orientation_et_action_disciplinaire_-_dpe_2000.pdf, p. 33.

4Soit dit en passant, de ne plus préparer mes cours et d’improviser, c’était le conseil de mon précédent inspecteur pédagogique régional lorsqu’il était venu m’inspecter en 2007 !

5Propos inadéquats, tenue inadéquate, mais je n’avais aucun signe qui pouvait faire craindre que j’étais en cours de radicalisation…

6Quel retour en arrière ! Le fonctionnaire-sujet de Michel Debré des années 1950 : « Le fonctionnaire est un homme de silence, il sert, il travaille et il se tait » (Les fonctionnaires, citoyens de plein droit, par Anicet Le Pors, Le Monde 31 janvier 2008 https://www.lemonde.fr/idees/article/2008/01/31/les-fonctionnaires-citoyens-de-plein-droit-par-anicet-le-pors_1005817_3232.html).

9Alors qu’il est écrit noir sur blanc dans le rapport de la commission d’enquête administrative que j’ai « déploré les meurtres », ce que confirmera l’enquête pénale, le recteur explique sans rire dans son signalement au procureur du 23 janvier 2015 : « Les faits et comportements tels que résultant de cette enquête me paraissent susceptibles de relever de l’apologie d’actes de terrorisme telle que mentionnée à l’article 451-2-5 du code pénal ».

11Voir par ex. Traque aux faux mineurs : par delà la banalité du mal https://dal86.fr/2013/01/20/traque-aux-faux-mineurs-par-dela-la-banalite-du-mal/

12Résumé : juin 2018 à Lyon, plainte pour détournements de fonds publics et délits électoraux dans la campagne de Macron ; 4 janvier 2019, Macron nomme Nicolas Jacquet procureur de la République à Lyon par décret ; 1er janvier 2020, Nicolas Jacquet est nommé chevalier de la Légion d’honneur ; 13 janvier 2020, Nicolas Jacquet classe l’affaire sans suite (https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/01/20/campagne-d-emmanuel-macron-a-lyon-l-affaire-du-financement-classe-sans-suite_6026630_823448.html?fbclid=IwAR0dZFhCL9TXTBq5-UrP4FrMAOlXL_Wn5Z6iI7NOubN683-o8AxayJbEMfU ), circulez, y a rien à voir !

13À Poitiers les inspections pédagogiques des profs de philo se font dorénavant par la police 7 novembre 2012 https://dal86.fr/2012/11/07/a-poitiers-les-inspections-pedagogiques-des-profs-de-philo-se-font-dorenavant-par-la-police/

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