Mary C. Lamia et Marilyn J. Kriegee, Le syndrome du sauveur, Eyrolles, 2012, pp. 9-24.   Mise à jour récente !


« Les sauveurs traitent leur partenaire de façon altruiste, mais leurs efforts dans ce sens sont souvent le reflet d’une lutte avec leurs propres conflits intérieurs, ainsi qu’un moyen de rester proches de leurs partenaires […].

Les sauveurs ont souvent un passé de perte, d’abandon, de traumatisme ou d’amour sans retour. Beaucoup d’entre eux ont été profondément affectés par les souffrances émotionnelles ou physiques d’un de leurs parents. […] [Ils sont] vulnérables et d’une grande sensibilité émotionnelle, et donc susceptibles d’être facilement blessés par leur entourage.

L’empathie, soit la capacité de comprendre les sentiments des autres et à s’identifier à eux, est un trait de caractère particulièrement développé chez tous les sauveurs. La capacité du sauveur de se mettre à la place d’une autre personne peut être utilisée pour aider celle-ci ou, malheureusement, pour la dominer ou la blesser. […]

Typiquement, le passé des sauveurs comporte plusieurs des éléments suivants :
– comportement autodestructeur avec recours potentiel à des substances toxiques ;
– enfance délaissée ;
– expériences de maltraitance émotionnelles ou physiques, ou d’abus sexuels durant l’enfance ;
– perte ou menace de perte d’un parent proche durant l’enfance ;
– succession de partenaires ayant besoin d’être secourus.

Par ailleurs, le sauveur présente généralement nombre de traits de caractère suivants :
– peur de la distance émotionnelle ;
– vulnérabilité et hypersensibilité émotionnelles ;
– tendance à idéaliser son/sa partenaire ;
– besoin extrême d’être considéré comme quelqu’un d’important ou d’unique ;
– propension à l’autocritique ou à réagir en accusant, dévalorisant ou manipulant les autres.

Dans les relations de couple, le sauveur présente beaucoup des comportements suivants :
– attirance envers un partenaire vulnérable ou souffrant d’un passé de traumatisme, perte, maltraitance ou addiction ;
– peur d’être séparé de son/sa partenaire, de perdre son amour ou son approbation, ou d’être abandonné par lui/elle ;
– tendance à vouloir dominer l’autre, souvent sous prétexte de l’aider ;
– propension à maintenir ou à renouer le lien avec l’autre en se montrant extrêmement serviable ou agréable ;
– décrit sa relation avec l’autre comme « fusionnelle » ;
– incapacité à reconnaître les comportements manipulateurs de son/sa partenaire ;
– facilité à être séduit par le comportement sexuel ou dramatique de son/sa partenaire ;
– tend à provoquer des sentiments forts chez l’autre afin d’éviter de se confronter à son propre inconfort émotionnel ;
– se persuade qu’il vit une relation épanouie en niant la réalité des problèmes de son/sa partenaire.

Les différents types de sauveurs
[…]
Le surempathique craint la distance émotionnelle. Cette peur peut avoir des causes d’origines diverses, comme la séparation, la perte de l’amour ou de l’approbation. Ce type de sauveur essaie de maintenir ou de renouer le lien émotionnel avec son/sa partenaire en se rendant indispensable, en se montrant agréable ou attentionné, et stimulant de façon positive les émotions de l’autre. Jalousie et insécurité sexuelles peuvent déclencher sa crainte de la distance émotionnelle. Par conséquent, le sauveur surempathique est entraîné dans un cercle vicieux où il doit mettre en avant de façon croissante le qualités de son/sa partenaire.

Le surempathique s’inquiète de façon excessive pour l’autre. Cette inquiétude est encore plus prégnante durant les moments de séparation ou quand le sauveur à l’impression que son/sa partenaire a besoin de son aide ou de sa protection, sans lesquelles l’autre risque de se sentir mal […]. Le sauveur se sent souvent blessé, sinon en colère quand son/sa partenaire rejette ses propositions ou perçoit son aide comme une critique ou une gêne.

Comme la plupart des sauveurs, le surempathique est susceptible, en son for intérieur, de s’attribuer le mérite de certaines des réussites de son/sa partenaire. Cependant, il peut également lui arriver de considérer les succès de son/sa partenaire de façon ambivalente. Dans la mesure où ce type de sauveur est effrayé par la distance émotionnelle, il peut craindre que les succès affichés par son/sa partenaire ne l’amènent à penser qu’il/elle n’a plus besoin de cette relation et ne souhaite pas la poursuivre. Les forces psychologiques à l’œuvre chez ce type de sauveur consistent en un sans aigu de l’empathie, une culpabilité excessive et une peur intense de la distance émotionnelle – forces qui se manifestent de diverses manières. […]

Le sauveur humilié veut être aimé et apprécié. Il cherche à compenser et à réparer la perception de lui-même erronée qu’il a construite durant son enfance. Quand ce sauveur était enfant, il a sans doute taquiné ou humilié ses camarades afin de masquer son absence d’estime de soi. Au sein d’une relation de couple où on l’adore et l’idolâtre, l’humilié se sent puissant et fort. Il se comporte de façon à cacher sa fragilité, sa peur de l’abandon et ses sentiments de honte et d’infériorité. Il est essentiel pour l’humilié de se considérer comme quelqu’un de sexuellement performant et adroit. Valoriser ses partenaires et érotiser ses relations lui permettent de se magnifier. Parfois son besoin de reconnaissance est plus important que ce que ses partenaires sont en mesure de lui apporter, ce qui l’amène fréquemment à avoir des aventures en dehors de son couple.

L’humilié choisit souvent des partenaires dotés de traits qui, selon les critères habituels, créent une disparité tangible entre lui-même et ces partenaires. L’apparence physique, la santé ou le statut social sont des exemples des traits à la base de ces disparités. Le sauveur humilié peut avoir une image irréaliste des ses partenaires et de leurs ambitions (c’est-à-dire qu’il exagère leurs talents).

Quelles que soient ces disparités, l’objectif de l’humilié dans son couple, est d’être aimé et admiré, et il ira très loin pour obtenir ces admiration afin de guérir les blessures de son passé. Malheureusement, ce type de guérison est rarement durable dans la mesure où l’humilié souffre d’un vide émotionnel qui l’empêche de contenir durablement l’amour et l’admiration qu’on lui donne, le laissant ainsi perpétuellement vulnérable et frustré. […]

Le sauveur terroriste/terrorisé est le type de sauveur le plus susceptible d’avoir vécu des expériences de peur et de honte intenses dans son enfance. Ce type de sauveur a souvent eu une petite enfance très traumatisante impliquant probablement des violence sexuelles, émotionnelles ou physiques. L’extrême difficulté de cette enfance n’a laissé au terroriste/terrorisé que peu de forces pour porter son fardeau psychologique.

Le terroriste/terrorisé a appris à manipuler de façon experte ses parents, ses professeurs et ses camarades ; il s’agit à la fois d’une adaptation et d’une réaction à ses expériences d’enfant. Il pouvait ainsi se montrer sournois, brutal et être persuadé de mériter un traitement de faveur – tout cela contribuait temporairement à contrecarrer sa honte et sa peur en lui donnant sur le moment un sentiment de puissance et d’exception. Les séquelles de ces réactions inadaptées se retrouvent dans sa personnalité d’adulte. Ce sauveur gère ses difficultés en provoquant des situations où les autres se sentent effrayés ou jaloux.
A travers divers comportements, le sauveur terroriste/terrorisé transfère ses sentiments de vide, de jalousie, de honte, de colère et de peur de l’abandon sur ses partenaires. Il peut se montrer accusateur, critique ou moqueur, tentant ainsi de se soulager de sa propre honte en dénigrant l’autre. Le terroriste/terrorisé a souvent recours au sexe et à la jalousie pour dominer ses partenaires. […]

Le sauveur sain est sensible aux besoins des autres et pratique l’altruisme sans arrière pensée. Il offre son soutien de façon désintéressée et ne se sent pas menacé par les réussites de ses partenaires. Ces sauveurs sont des hommes et des femmes équilibrés et généreux qui inspirent le respect. Doté de partenaires capables de prendre leur propre vie en main, le sauveur sain entend sa relation de couple comme un espace de réciprocité. Lui et ses partenaires sont disposés à se soutenir pour le meilleur et pour le pire. Le sauveur sain apporte son aide à qui le lui demande, mais l’offre également de façon gratuite et aimable, sans paraître critique ni essayer de dominer la situation. Là où les sauveurs chroniques peuvent se sentir menacés quand tout va bien pour leur partenaire, le sauveur sain, lui, est sincèrement ravi. Bien qu’il puisse retirer un orgueil discret du soutien qu’il a offert, il se met en quatre pour attribuer à ses partenaires le mérite de leur succès. » Mary C. Lamia et Marilyn J. Kriegee, Le syndrome du sauveur, Eyrolles, 2012, pp. 9-24.

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