Pressions et harcèlement policier


Sujet : Pressions et harcèlement policier
Date : Mon, 19 Nov 2012 12:27:34 +0100
De : Jean-Francois Chazerans
Pour : brigitte.esteve-bellebeau

Madame,

Puisque cela vous concerne aussi, je souhaiterais vous entretenir des pressions et du harcèlement que je subis actuellement dans mon travail et plus généralement dans ma vie publique. En début d’année scolaire, la proviseur ayant refusé de donner les noms et adresses de tous les élèves de l’une de mes classes de l’année dernière, la police a fait une perquisition dans mon Lycée, le Lycée Victor Hugo à Poitiers, pour les obtenir, afin les auditionner. En effet, le 10 mai dernier j’ai utilisé un petit document vidéo sur l’expulsion d’un campement de SDF à Poitiers pour illustrer mon cours sur la répression d’Etat. Il se trouvait que, chose que j’ignorais totalement, il y avait dans la classe le petit ami (et même l’ex petit ami…) de la fille du commissaire qui commandait l’expulsion du campement et qui a été reconnu par ces élèves. Ils en ont parlé à la fille qui a dû en parler à son père.

Le commissaire aidé du procureur général a dû porter plainte et ont déclenché une enquête administrative. Pour être plus crédible le commissaire a affirmé que j’étais arrivé avec l’intention de montrer ce document et que j’avais fait des arrêts sur image en donnant son nom, ce qui aurait eu comme conséquence que certains élèves faisant le rapprochement avec sa fille seraient aller « faire des remarques désobligeantes » à cette dernière. Comme il fallait s’y attendre cette enquête administrative, qui a eu lieu après le bac début juillet, a tourné court vu que les deux élèves convoqués par la proviseur étaient le petit ami et l’ex petit ami de la fille du commissaire qui ont confirmé qu’ils n’avaient pas besoin que je fasse des arrêts sur images pour reconnaître le commissaire… Qu’ils n’avaient pas non plus fait des remarques désobligeantes à la fille du commissaire qui n’a d’ailleurs même pas été entendue…

Mais l’affaire ne s’arrête pas là. La police visiblement insatisfaite de ce dénouement est en train de convoquer pour les auditionner, tous les élèves de cette classe (soit 32 !). Les convocations qui se sont enchaînées n’ont fait apparaître aucun motif. Ce n’est que quand les élèves, enfin surtout leurs parents affolés, téléphonaient à l’Officier de Police Judiciaire qu’ils ont été informés que « des parents ont été choqués que soit projeté ce document à leurs enfants et ont porté plainte »… Certes mais pourquoi l’ont-ils fait ? Comment est qualifié le délit ? Personne ne le sait et rien de plus n’est précisé au début des auditions.
Ces dernières qui duraient près d’une heure et demie pour les premiers élèves convoqués, durent à la fin à peine 20 minutes. Ce qui témoigne peut-être de la lassitude des policiers. Les questions portent bien sûr sur le document incriminé. Y a-t-il eu des arrêts sur image ? Le prof a-t-il donné les noms des policiers ? Et sur le cours en question : quelle était sa teneur ? Comment ça s’est passé ? Mais elles vont bien au delà et peuvent figurer une nouvelle forme d’inspection pédagogique. Comment le prof se comporte-t-il en classe tout au long de l’année ? Quelle est sa pédagogie ? Quels sont ses engagements associatifs ? Une vraie enquête de moralité ! Cela n’illustre pas le manque de moyens dans l’Education Nationale : A Poitiers les inspections pédagogiques des profs de philo se font dorénavant par la police ?
Cela fait suite au harcèlement policier dont je suis victime depuis plus de deux ans et dont je vous donne le détail ci après :
– Le 12 mai 2010, soit 15 jours avant les conseils de classe de terminale, je suis inspecté en urgence. Mon Inspecteur pédagogique régional m’annonce qu’il est spécialement diligenté par le rectorat. Mais il ne veut pas dire ce qui m’est reproché et pourquoi il est là. Après l’inspection, mon chef d’établissement qui est partie à la retraite depuis, m’a dit que c’était la première fois qu’elle voyait une telle chose, enfin elle l’avait vu une seule fois dans une affaire d’attentat à la pudeur de la part d’un enseignant sur l’une de ses élèves mineures ! L’inspection, la quatrième en 11 ans, n’a pas permis de trouver quoi que ce soit qui aurait justifié une sanction disciplinaire envers moi.
– Début novembre 2010, la Ville de Poitiers est intervenue auprès de moi. alors président d’une maison de quartier, le Centre Socio-culturel des 3 Cités, en me faisant un chantage aux subventions. Elle m’a reproché non seulement ce qu’elle a appelé un « mélange des genres », à savoir d’être à la fois président d’une maison de quartier et « membre éminent » du Comité poitevin contre la répression des mouvements sociaux, mais aussi que la salle municipale gérée pour la Ville par cette maison de quartier ait été réservée pour la tenue d’un Forum antirépression organisé par ce comité le week-end des 13 et 14 novembre. Pour la Ville, si le Forum antirépression avait lieu dans cette salle, la préfecture risquait de supprimer les subventions annuelles de l’Etat à la maison de quartier, soit 60 000 €. Pour finir, la municipalité a proposé que le forum se déroule plutôt dans les Salons de Blossac. Devant un tel chantage aux subventions et pour mettre la maison de quartier à l’abri, j’ai démissionné.
– Le 10 janvier 2012, je suis convoqué au commissariat pour « témoignage ». L’ancien préfet de région Tomasini et l’ex-secrétaire général de la préfecture Setbon ont porté plainte pour « Appel à l’atteinte à l’intégrité des personnes » après le collage sur Poitiers, début 2011, d’une dizaine d’affiches sur lesquelles il était écrit : « Tout le monde sait qui doit être expulsé. Poitevin.e émeute-toi. Setbon Tomasini hors de nos vies ». Auditionnés en décembre 2011 par une juge d’instruction, ces deux fonctionnaires avaient dit qu’ils ne connaissaient pas les auteurs de ces affiches, mais qu’il fallait voir de mon côté, car je pouvais leur en vouloir pour avoir été poussé par eux à démissionner de la présidence du centre socioculturel des 3-Cités.
– Le 14 février, je suis reconvoqué, cette fois pour « témoignage dans le cadre d’une enquête pour diffamation ». M. De Bony, de la Mutuelle de Poitiers, vice-président de la Fédération des agents économiques, menace de porter plainte contre Démocratie réelle concernant la « purification sociale » du centre-ville qui, selon lui, lui a été attribuée par cette association. En fait, ce monsieur n’a depuis pas donné suite, et la mairie pas davantage, ce qui tend à démontrer que la purification sociale du centre-ville est une chose avérée.
– Le 27 avril, avec quatre autres personnes je suis convoqué au tribunal d’instance après l’expulsion du squat du 11, rue Jean-Jaurès qui a fait suite à un début d’incendie dans la nuit. Nous sommes condamnés à payer la moitié des frais de justice, soit 380 €. Le même jour, le maire de Poitiers Claeys m’a attaqué nommément ainsi qu’une autre personne et le DAL86, sur le site de la Ville de Poitiers, affirmant que nous étions des lâches, « des individus sans scrupule qui s’abritent derrière une association respectable comme le DAL, instrumentalisent des gens en souffrance, les poussent à commettre des délits et, pour finir, cherchent à remettre en cause tout ce qui a été bâti à Poitiers depuis des années en matière sociale et qui constitue, en France, une référence ». De plus, les 29, 30 avril et 2 mai, La Nouvelle République et Centre-Presse publient quatre articles mettant en cause le DAL86 et J.-F. et leur reprochant leur « silence » par rapport à des « tags de menace de mort visant le maire de Poitiers ». Avec l’autre personne mise en cause et le DAL86, nous avons assigné le maire de Poitiers et le directeur de publication de la Nouvelle République pour diffamation. Procès à venir.
– Le 14 juin, je suis de nouveau convoqué par un officier de police judiciaire pour les affaires du squat du 11, rue Jean-Jaurès et des tags contre le maire de Poitiers. Une baudruche qui s’est dégonflée lors du procès du 12 juillet après la relaxe des 3 squatters. Le président du tribunal s’est même étonné de l’absence de propriétaire à qui il avait des questions à poser en particulier pourquoi elle avait laissé son immeuble se dégrader pendant 14 ans.
– Le 22 juin, je suis convoqué au commissariat pour deux procédures, concernant cette fois le Comité poitevin contre la répression des mouvements sociaux. Il s’agit de la fin d’un tract publié sur le site d’Antirep86 qui serait une insulte à la justice ; et d’une banderole déployée, le 19 février dernier, lors d’un rassemblement appelé par le Comité et sur laquelle il était écrit « Feu aux CRA. Les matons au milieu ». Je suis accusé d’avoir non seulement tenu cette banderole mais aussi de l’avoir faite – alors que j’ai seulement été vu non loin de ladite banderole… et en tenant une autre, celle du Comité…
– Le 10 juillet je suis convoqué par son chef d’établissement qui m’a informé qu’il y aurait une plainte de parent(s) d’élève(s) auprès du rectorat. (Ce dont je parle plus haut)
– Fin septembre-octobre, la police visiblement insatisfaite de ce dénouement à convoqué pour les auditionner, tous les élèves de cette classe (soit 32 !). (Ce dont je parle plus haut)
– Le 11 octobre, je subis un contrôle d’identité lors d’un rassemblement de soutien organisé par le Comité poitevin contre la répression des mouvements sociaux. J’avais eu l’audace de filmer l’arrestation de l’un des militants, deux policiers s’étaient mis devant l’objectif et un troisième a regardé ce qui était filmé et a considéré que c’était illégal de filmer des policier en gros plan. Je leur ai bien dit que je connaissais mes droits et que ce qui était illégal c’était de publier des gros plan de policiers mais pas de les filmer. Les policiers ont persisté dans leur violation manifeste de la loi et insisté pour voir les films que j’avais dans mon appareil.
– Lundi 19 novembre, avec deux autres personnes nous sommes convoqués au commissariat pour « une audition suite à la participation à une manifestation non déclarée ». Devant un tel acharnement je décide de ne pas y aller et c’est une décision collective car les deux autres personnes n’y irons pas non plus. Le procureur ira-t-il jusqu’à utiliser la force pour me contraindre à me rendre à cette convocation ? Nous verrons bien.
En tout cas, tout cela constitue une atteinte inadmissible à mes libertés fondamentales, pédagogique, politique, d’opinion et d’expression. Cela montre aussi clairement la confusion qui règne dans la tête même des décideurs qui ne se gênent même plus de mélanger les genres et de sévir dans des domaines hors de leurs compétences.
Veuillez agréer Madame, mes respectueuses salutations.
Jean-François Chazerans, professeur de philosophie au Lycée Victor Hugo – Poitiers

Sujet : Pressions et harcèlement dans mon travail et plus généralement dans ma vie publique
Date :  Mon, 19 Nov 2012 12:32:07 +0100
De : Jean-Francois Chazerans
Pour : Enseignants de Philosophie , philo@snes.edu

Chers collègues,

 

 

Le 26/11/2012 à 13:44, Jean-Francois Chazerans a écrit :
Madame,
comme convenu, je vous fais parvenir le mél que j’ai envoyé à mon IPR.
Cordialement,

 

Sujet : Fwd: Pressions et harcèlement policier
Date : Mon, 26 Nov 2012 13:44:00 +0100
De : Jean-Francois Chazerans
Pour : marlene poyer
Copie à : francoise boisseau

Madame,
comme convenu, je vous fais parvenir le mél que j’ai envoyé à mon IPR.
Cordialement,

——– Message original ——–
Sujet: Pressions et harcèlement policier
Date : Mon, 19 Nov 2012 12:27:34 +0100
De : Jean-Francois Chazerans
Pour : brigitte.esteve-bellebeau

 

Sujet : Re : Pressions et harcèlement policier
Date : Sat, 01 Dec 2012 06:50:25 +0100
De : Esteve-Bellebeau Brigitte
Pour : Jean-Francois Chazerans

Cher collègue,

J’ai bien reçu votre courrier et l’ai lu avec attention. Je suppose que vous saurez saisir les instances susceptibles de vous défendre, si vous estimez être en droit de le faire; ce n’est donc pas pour cette raison que vous m’informez. 
Je  vous propose de venir me rencontrer si vous le souhaitez. Le plus difficile étant certainement de convenir d’un RV puisque je suis en charge de Poitiers et de Toulouse.
Cordialement à vous,


Brigitte Esteve-Bellebeau
IA-IPR de Philosophie
Académies de Poitiers et Toulouse

Sujet : Re: Re : Pressions et harcèlement policier
Date : Mon, 03 Dec 2012 09:37:38 +0100
De : Jean-Francois Chazerans
Pour : Esteve-Bellebeau Brigitte

Madame,
Merci de votre proposition de rencontre que j’accepte volontiers. Cette rencontre n’étant pas vraiment urgente, nous avons le temps de convenir d’un rendez-vous. Je vous mets en pièce jointe mon emploi du temps.
Cordialement,
Jean-François Chazerans
Lycée Victor Hugo – Poitiers

 

 

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