Lettre ouverte à Arno Klarsfeld, Président de l’Office Français de l’immigration et de l’intégration   Mise à jour récente !


La liste des associations poitevines cosignataires de ce courrier tient à réagir à l’interview que vous avez donnée le 21 septembre dernier [2011] sur France-Inter à l’émission de Pascale Clark.

Vous affirmiez :

« S’ils n’ont pas d’aiguillon ces préfets ne font pas ce travail de renvoyer non pas vers la mort, non pas vers Auchwitz ou vers une situation [dangereuse ?] […] c’est pas la politique du chiffre qui est important c’est où vont les gens, est-ce qu’ils vont vers une destination fatale ? Non, les Roms sont renvoyés dans leur pays, vont dans un pays où ils sont moins heureux qu’en France, mais ce n’est pas qu’il peuvent rester en France. S’ils courent un risque d’accord, mais s’ils ne courent pas de risques, je ne vois pas où est le problème. »

Et vous interrogiez ainsi la journaliste :

« Est-ce que c’est mal de renvoyer dans un pays où ils ne courent pas de risque, alors qu’ils sont acceptés en France s’ils sont malades et ne peuvent être traités dans leur pays d’origine, alors qu’ils sont acceptés s’ils courent un risque politique dans leur pays, est-ce que c’est mal de renvoyer des étrangers en situation irrégulière qui n’ont pas toutes leurs attaches en France, parce que quand les enfants et les parents ont toutes leurs attaches en France, ils peuvent rester en France ?  ».

Outre le fait que les Roms ne sont pas renvoyés dans leur pays « où ils sont moins heureux qu’en France » mais bien dans un de leurs pays où ils subissent de graves discriminations – vous n’êtes pas sans savoir non plus, par exemple, que le président de la république a justifié en 2009 le fait de renvoyer les Afghans dans leur pays en guerre -, la réalité de la distribution massive et croissante d’Obligations à Quitter le Territoire Français, conséquence de la politique du chiffre menée par le gouvernement contredit vos affirmations. Dans le département de la Vienne, dans lequel le secrétaire général de la Préfecture se vantait en juin dernier d’envoyer 20 OQTF par mois, nous pourrions citer de nombreux cas qui illustrent cette contradiction. En voici deux exemples :

Mme D., guinéenne, vit, travaille en France et élève seule ses 3 enfants de 5, 7 et 10 ans, tous trois nés en France. Le benjamin de la famille, B., 5 ans, est atteint d’une hémiplégie de naissance. Grâce au travail très régulier au centre d’action médico-sociale précoce (4 séances de kinésithérapie par semaine jusqu’à l’année dernière) et d’au moins une intervention chirurgicale annuelle lourde, B., condamné sans cela au fauteuil roulant, marche et suit une scolarité normale. Mme D., en France depuis 10 ans, a reçu une OQTF en mars dernier, stipulant qu’elle devait quitter la France dans les 3 mois.
Est-ce mal, Monsieur Klarsfeld, de « renvoyer dans son pays » Mme D., pays où elle n’est pas retournée depuis plus de 10 ans, et d’envoyer avec elle ses 3 enfants, qui n’ont jamais vu la Guinée ? Est-ce mal de renvoyer ainsi son fils B., qui ne pourra bénéficier en Guinée de soins comparables à ceux qu’il reçoit en France, à son fauteuil roulant ?

Monsieur D. A. et son épouse N. vivent à Poitiers avec leurs 2 enfants. D’origine géographique et culturelle différente : il est Kurde Yézide, elle est musulmane, et pour cette raison rejetée par sa famille. Les deux époux pensaient trouver dans la France une terre d’accueil et de stabilité pour leur famille. Demandeurs d’asile depuis plus de 3 ans, ils sont pourtant sous le coup d’une OQTF depuis à présent près d’un an, Par deux fois Monsieur D. a été placé en centre de rétention, puis libéré, aucun pays ne délivrant de laisser passer consulaire. « Ni expulsé, ni régularisé » !
Est-ce mal de penser envoyer leurs deux enfants qui, scolarisés en France, n’écrivent et ne lisent que le français, dans un pays dont ils ne connaîtraient pas même la langue ?

 

Dans l’interview, vous justifiez la « politique du nombre » du gouvernement par la nécessité de contraindre les préfets à mettre en œuvre celle-ci ; cette politique serait ainsi un « aiguillon sur les préfets », ainsi « emmerdés par leur hiérarchie » pour se livrer à ce travail « difficile, emmerdant », suscitant des « tracas administratifs », et d’autres « tracas », entre autres ceux de « recevoir les associations » ou de « se faire mal voir ».
Pourquoi les préfets répugneraient-ils à appliquer une politique qui, selon vos dires, est si juste et moralement si légitime ? Et si cette politique du chiffre est si juste et si légitime, pourquoi faudrait-il faire miroiter une prime aux fonctionnaires zélés chargés de l’appliquer ?

Quant à qualifier comme vous le faites de bonne fée l’OFII, cela démontre à la fois votre méconnaissance de la réalité de la relation entre cette administration et les étrangers et votre vision puérile des phénomènes migratoires dans notre pays. L’OFII n’est pas une bonne fée mais une administration chargée d’appliquer « sans état d’âme » (pour reprendre une expression du secrétaire général de la préfecture de la Vienne) la politique du chiffre imposée par son ministère de tutelle.

Non Monsieur Klalsfeld même sans Auchwitz, Drancy n’est pas acceptable.

 

 

Le RESF86 (Réseau Education Sans Frontières)
Groupe CIMADE .Poitiers
Collectif poitevin contre les expulsions et pour le droit de vivre en France
Comité poitevin contre la répression des mouvements sociaux
Démocratie réelle maintenant – Poitiers

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