Discours du 17 décembre 2007 pour le moment officiel de l’anniversaire des 40 ans des CSC   Mise à jour récente !


M. le directeur de la CAF, Madame le député, Madame la conseillère générale, Monsieur l’adjoint à la jeunesse et aux maisons de quartier, Monsieur le maire, Monsieur le représentant de la Fédération des Centres socio-culturels, Mesdames et Messieurs les bénévoles, Mesdames et Messieurs les salariés, Mesdames et Messieurs les adhérents, Mesdames et Messieurs les habitants des 3 Cités,

je vous souhaite à tous la bienvenue pour ce moment officiel de l’anniversaire des 40 ans des CSC. Les anniversaires, cet anniversaire des 40 ans sont certainement l’occasion de faire le bilan de ce qui s’est passé, de faire le point sur ce qu’on est aujourd’hui et de réfléchir à ce qu’on sera demain. C’est dans ce sens que les Actifs du CSC, les bénévoles et salariés, qui se sont réunis de nombreuses fois afin de préparer et d’organiser cette année anniversaire des 40 ans ont décidé qu’elle se fera selon les trois directions que sont le passé, le présent et l’avenir, et que nous pourrions en arriver à une création qui dure un peu plus d’un an, qui devrait être le symbole des 40 ans passés mais aussi qui devrait préciser vers quoi on aimerait se diriger à l’avenir.

Jusqu’à présent nous avons mené à bien tout ce que nous avons entrepris. Je le rappelle, l’anniversaire du Centre se déroule sur toute l’année de mai juin 2007 à juin 2008. L’idée est que le Centre accompagne chacun, partenaires, associations qui coopèrent avec nous ou qui organisent leurs activités dans nos locaux, bénévoles qui proposent des activités, salariés… fasse un cadeau aux habitants du quartier.

Tous les temps forts projetés ont eu lieu et se sont déroulés parfaitement : l’inauguration du coin convivial et la semaine interculturelle, la fête du quartier, le concert en plein air et la répétition publique de l’Orchestre du Poitou Charentes, le vernissage de l’atelier Peinture, la fête de la musique, le rallye pédestre, le dîner dansant de l’atelier cuisine, le festival Ecoutez-voir…
Ces temps forts qui dénotent notre coopération avec les associations et les habitants du quartier, ne doivent pas faire oublier l’accompagnement des habitants dans leur quotidien, ces nombreuses activités plus courantes, ce qui ne veut pas dire bien-sûr ordinaires, du Centre qui sont menées à longueur d’années par les secteur enfant, jeune, familles/adultes, les activités animés par les habitants et les professionnels etc.
Je voudrais remercier infiniment ici tous les salariés et tous les bénévoles du Centre qui se sont investis sans compter pour que cette fête anniversaire des 40 ans soit réussie.

Un anniversaire des 40 ans, c’est aussi l’occasion pour chacun d’entre nous de faire notre bilan personnel. Certains l’ont fait ou vont le faire plus tard dans cette soirée. Pour ma part, habitant du quartier depuis 1985, j’ai rencontré le Centre en 2002 entre les 2 tours de l’élection présidentielle, d’une façon toute politique qui a orienté durablement ma relation. Comme j’étais le créateur du café-philo du centre ville et comme elle savait que je voulais créer un café-philo sur le quartier, une animatrice de l’époque m’avait invité à des débats citoyens organisés par le Centre dans la galerie du centre commercial du Clos Gaultier. Pour la petite histoire, c’était la première fois que je rencontrais Vincent Divoux. On avait échangé et, avec cette façon provocatrice qui le caractérise, il m’avait dit qu’il faudrait faire des cafés-philo aux pieds des immeubles autour d’un braséro…
L’année suivante, j’ai mis en place des ateliers de débats philo le mercredi pour les enfants du CLM et du CLSH et par la suite le café-philo mensuel pour les adultes. Ces activités continuent encore aujourd’hui.

Outre le bilan personnel, ma façon toute politique de venir au Centre et d’y rester est, je pense, emblématique de ce qu’est aujourd’hui le Centre socio-culturel des 3 Cités. Et, au lieu de faire un long bilan du Centre qui serait peut-être ce soir fastidieux pour beaucoup d’entre vous, je voudrais plutôt préciser sa nature.

Qu’est-ce donc que notre Centre socio-culturel ? En en devenant président voilà un an et demi, je me suis assez vite aperçu que le Centre était aujourd’hui dans la droite ligne de son histoire mais aussi de l’histoire des centres sociaux. Renouant avec les débuts (fin du XIXème siècle) d’abord en Angleterre (1884), puis aux Etats Unis (1886) et en France (1897), le Centre est d’abord pour nous un outil de Résistance…
– Face au libéralisme sauvage qui met en place des barrières jusque dans la tête des gens afin de diviser et séparer… Face à ses effets néfastes (individualisme, compétition et concurrence, performance…) et dévastateurs (chômage, pauvreté, misère….) qui conduisent à l’atomisation et au délitement du lien social et politique ;
– Face au pouvoir, intimement lié au libéralisme sauvage, qui cherche à instrumentaliser les acteurs sociaux et locaux en vue de contrôler socialement le peuple et qui ne croit même plus lui même à la démocratie élective (Je sais, ce n’est pas le lieu ici de parler du peu de cas fait au non à la constitution européenne balayé sans vergogne par la signature du traité européen à Lisbonne jeudi dernier).
– Face au désengagement de l’Etat, à la fin de l’Etat providence, qui fait plonger encore plus profond dans la misère ceux qui sont déjà au dessous du seuil de pauvreté.
Le Centre se doit d’être une force de résistance.

Mais cela ne suffit pas. Nous restons aussi ici dans la droite ligne du projet des centres sociaux mis en œuvre dans les années 20 (la fédération des centres sociaux est constituée en 1922) qui se plaçait en rupture avec le charitatif. La vocation du Centre n’est pas simplement d’aider les indigents et les malades laissés sur le bord de la route par un système économique injuste. Elle ne se résume donc pas à de l’aide ou de l’assistance sociale mais est de l’action politique sociale… En ce sens, le Centre est plus précisément un outil de libération. Notre socio-culturel se caractérise par sa méthode. Nous mettons un point d’honneur à « pas faire à la place », à accompagner… Nous sommes une sorte de ferment catalytique qui permet de réaliser des relations, des échanges et des projets dans un souci d’émanciper les habitants afin qu’ils deviennent responsables et indépendants. Le quartier des 3 Cités c’est 12500 habitants, c’est donc l’une des plus grandes villes de la Vienne devant Montmorillon, Chauvigny, Loudun, Civray et pourtant nous, habitants nous n’avons, à part le conseil de quartier, très symbolique, aucune organisation politique propre. Même certaines tours ou barres du quartier ont plus d’habitants que certaines communes françaises qui ont un conseil municipal et une autonomie budgétaire. Qui d’autre que le CSC peut donc accompagner cette émancipation inéluctable ?

Depuis quelques années nous renouons principalement, il nous semble, avec l’une des 4 inspirations du Centre à sa création. Il y avait officiellement à partir de 1967, le projet d’action sociale CAF et le projet politique municipal. En fait, outre ces deux projets, les forces vives sur le terrain s’engageaient principalement dans le projet politique communiste en faveur des ouvriers et le projet caritatif catholique en faveur des nécessiteux. A partir de 1977, le projet politique municipal a un temps fusionné avec le projet politique communiste. Nous en profiterons ici par saluer le courage des municipalités Santrot qui ont confié aux habitants la gestion des maisons de quartier mais, aussi en contrepoint, pour cet anniversaire des 40 ans et en référence aux élections qui s’annoncent, nous aurons l’impertinence de mentionner la place qu’ont pris les quartiers dans l’arrivée de l’union de la gauche au pouvoir. Si le groupe social n’était pas déjà formé et organisé, si les habitants n’avaient rien en commun, il aurait été inutile de donner cette autonomie aux habitants, ils aurait simplement fallu municipaliser pour régler des opérations courantes.

Nous pensons donc que le Centre renoue aujourd’hui avec le projet politique autogestionnaire communiste. Car le Centre est principalement un outil d’organisation politico-social. Non seulement il se doit d’accompagner les mutations politico-socio-économiques, mais il doit si nécessaire en inventer de nouvelles. Henri Théry; le spécialiste de l’animation des années soixante, le souligne lui-même dans son exposé d’ouverture au IIIe Congrès des centres sociaux de Marseille en 1972 : « L’action sociale, c’est le corps social en action. Le social n’est plus marginal, il est un problème général, celui des vouloir vivre individuels et collectifs. Mais il nous renvoie à son tour à la notion de politique. Peut-être l’englobe-t-il et la dépasse-t-il. A moins que le but de la politique ne soit pas seulement l’organisation ou la prise du pouvoir, mais bel et bien l’élaboration d’une société. »

Nous venons de voir ce qu’a été le Centre et ce qu’il est aujourd’hui, mais que sera-t-il demain ? Dans cet exercice de politique fiction et compte-tenu de sa nature, ne pouvons-nous pas prédire que le Centre aura réussi dans sa mission s’il disparaît en tant que Centre et perdure en tant que circonférence ? Dans le Livre des 12 philosophes datant du 15ème siècle on peut lire que « Dieu est un cercle dont le centre est partout et la circonférence nulle part ». Nous pourrions appliquer cette définition au CSC qui serait un cercle dont le centre est partout dans la circonférence. On ne parlera plus de Maison de quartier à propos du Centre. Car si on en parlait c’était que la communauté d’origine au début du siècle dernier c’était la famille, et ce n’est pas par hasard que l’un des noms du Centre soit « Maison » de quartier. A l’origine on parle aussi de Maisons sociales. Cela dénote le caritatif présent dès le début et la politique familiale de la CAF.
D’un autre côté, on ne parlera plus de CENTRE. Robert Durand dans son Histoire des centres sociaux, explique qu’on ignore l’origine de ce nom. Pour nous, c’est comme un centre de recherche ou un centre culturel, un lieu CENTRAL. Nous rêverons donc pour l’avenir, d’un CSC qui ne soit plus au centre du quartier mais qui ait le quartier comme centre. Le local dont nous nous nourrissons ne serait plus une MAISON mais une CITE et pourquoi pas 3 CITES ? Nous avons évoqué lors d’une matinée de rencontre salariés – bénévoles l’idée de changer le nom du Centre pour rapidement ne pas y donner de suite. Nous rêvons pour notre part d’une CITE SOCIO-CULTURELLE. Le nom grec CITE c’est POLIS et c’est aussi l’origine du mot POLITIQUE, l’art d’organiser la Cité. L’idée déjà présente, qu’il faudrait mener à terme, est de faciliter la circulation de la parole, du pouvoir, des échanges (des savoirs et des savoirs-faire ainsi que des biens) et de renouer avec la démocratie grecque d’où l’on vient. Au fond, de mettre en place un réseau de quartier (en particulier dès demain avec le projet informatique). D’autant plus qu’en grec encore l’ÉCONOMIE c’est l’organisation de la MAISON (OIKOS). Si le lieu du CSC c’est le quartier nous devons réfléchir aux moyens à utiliser pour mettre en œuvre cette ÉCONOMIE POLITIQUE de quartier.

Karl Marx dans sa Contribution à la critique de l’économie politique (1857) explique que les hommes sont dans des rapports de productions, l’économie, qui servent de base au juridico-politique. Le juridico-politique ne peut changer que si l’économie a changé. Rêvons donc pour finir de la mise en place sur tout le quartier de nouveaux rapport économiques de production plus coopératifs, d’un SEL (Système d’Échanges Local) piloté par le CSC. Un SEL n’est pas un système de troc mais un système d’échange complexe. Nous y échangerons donc à équivalence des savoirs et des savoirs-faire ainsi que des biens mais aussi, nous y tenons, du temps politique. Nous créerons donc un réseau économique qui sera le fer de lance d’un changement politique radical. Le CSC ne sera alors plus une MAISON ayant pour modèle les relations familiales mais une CITE fondée sur un tissu de relations. Un réseau d’amis ou de compagnons quoi !

J’adresse tous mes remerciements à tous les partenaires institutionnels et associatifs avec qui nous avons coopéré depuis 40 ans.

A tous les adhérents qui nous ont accompagné depuis le début.

A tous les bénévoles qui se sont investis et qui s’investissent encore aujourd’hui avec cœur. Sans oublier les nombreux administrateurs qui ont toujours donné beaucoup de leur temps et de leurs compétences.

A tous les salariés, les directeurs, les coordinateurs de secteurs, les animateurs, des personnels administratifs et d’entretien sans qui le Centre ne serait pas non plus ce qu’il est.

A tous les financeurs : la Ville de Poitiers, la CAF, l’État, le conseil général et tous les autres financeurs

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