Nous nous demandons à quel jeu joue la Nouvelle République dans l’article « Israël-Palestine : la Vienne n’échappe pas aux soubresauts » publié dans l’édition du 16 janvier 2009. On hallucine : des « soubresauts » dans la Vienne ? Et ce n’est pas tout. Le vocabulaire utilisé, les jugements de valeur et les opinions exprimées sont autant d’insinuations dont on ne sait si elles sont maladroites ou malveillantes. Nous nous demandons bien où votre journaliste est allé cherché cela si ce n’est dans son imagination délirante. Jusque là la Nouvelle République nous apparaissait, aux 3 Cités où j’habite et où je suis engagé dans la vie de ce quartier, comme un journal très sérieux et très honnête, proche de la réalité et de ce que vivent les habitants. Vos journalistes informaient et même nous ont accompagné quelquefois dans nos actions et même dans nos luttes avec lucidité et bienveillance. Mais là ça dépasse l’entendement.
Que veut donc démontrer votre journaliste ? C’est très clair dans l’entretien avec le président de la communauté juive que l’on pourrait résumer ainsi : même s’il ne s’est rien passé à Poitiers, qu’il n’y a aucune intolérance ou violence entre les communautés religieuses ni d’ailleurs de menace, même si le président de la communauté juive ne se sent pas menacé et insiste sur les bonnes relations avec les autres communautés religieuses, il devrait quand même se sentir menacé par les musulmans avec qui il a de bonnes relations, tout cela à cause de l’exportation en France et à Poitiers du conflit israélo-palestinien. L’aberration de cette démonstration se retrouve tout au long des articles. Nous pouvons lire par exemple : « Entre manifestations pro-palestiniennes et agressions contre des synagogues, le conflit du Proche-Orient agite les villes de France. Jusque dans la Vienne. » N’est-il pas malhonnête voire malfaisant, de présenter les choses ainsi ? Car, s’il y a effectivement des manifestations suite aux événements inhumains qui se passent dans la bande de Gaza, événements qui ont atteint des sommets de l’horreur ces derniers jours avec les bombardements de civils, d’hôpitaux et d’écoles par l’armée régulière israélienne, où sont les « agressions contre les synagogues » dans notre département ? Xavier Dutheil est-il venu à la manifestation de samedi 10 janvier à Poitiers ? Y a-t-il constaté que l’« État hébreu y était caricaturé en régime « nazi » » et que « l’assemblée était dominée par les groupes les plus actifs de l’islam » ? Où a-t-il vu qu’on y « brandissait les drapeaux verts du Hamas » ? Où a-t-il vu ces « cortèges de femmes voilées berçant des poupées de chiffons aux langes tachés de sang » ? Alors pourquoi s’il y était et s’il n’a rien vu, fait -il cette confusion avec les compte-rendus partiaux dans les journaux télévisés nationaux des manifestations de Paris ou d’ailleurs1 ? Il ne le fait pas me direz-vous. Certes, mais il le suggère et il l’insinue. Par exemple, pourquoi affirme-t-il péremptoirement qu’ « il n’empêche que la structuration des défilés poitevins était à l’unisson de l’évolution nationale » est-ce parce que « Unis dans la même réprobation, se retrouvaient les supporters historiques de la cause palestinienne, les factions d’extrême gauche (décidément bien sélectives dans leur capacité d’indignation !) et […] des représentants de la communauté musulmane » ? Ou est-ce parce que les « représentants de la communauté musulmane » étaient « largement majoritaires » dans les manifestations à Poitiers comme à Paris ?
Les mots ne sont-ils pas importants pour votre journal ? Car ici aussi votre journaliste va filer allègrement l’amalgame. Que veut donc dire « représentant » de la communauté musulmane pour lui ? Est-ce un dignitaire religieux de cette communauté ou est-ce tout concitoyen d’origine arabe ou maghrébine ? Bien qu’étant encore ici très confus, le propos semble vouloir dire qu’il s’agit bien de tous nos concitoyens d’origine arabe ou maghrébine sinon comment penser que les dignitaires religieux soient assez nombreux pour être « largement majoritaires » ? Admettons que votre journaliste soit d’une grande sagacité et qu’il reconnaît du premier coup d’oeil quelqu’un d’origine arabe sans le confondre avec par exemple quelqu’un d’origine européenne du sud, est-ce que cela voudrait dire que tout concitoyen d’origine arabe ou maghrébine est assimilable à un « musulman » ? Le commentaire sous la photographie à la maison du peuple confirme notre hypothèse : « Après la manif samedi, ils étaient encore nombreux à la Maison du Peuple à Poitiers mobilisés pour les « frères » de Palestine. » Ceux qui manifestaient étaient donc des musulmans qui soutenaient d’autres musulmans (les palestiniens) contre des juifs (les israélien). Par cet amalgame, votre journaliste occulte la réalité de la situation des palestiniens dans la bande de Gaza qui ne sont pas tous musulmans et qui ne tombent pas sous les bombes des juifs mais des israéliens. De plus, il déplace le problème et occulte la vraie nature de ce qui se passe à Gaza. Il s’agit là d’une approche raciste du conflit et de ce qui se passe en France, approche que toute personne sensée ne peut que récuser avec véhémence. Ne devons-nous pas avoir une approche politique et non pas religieuse ou raciale de ce qui se passe au proche orient ? La situation actuelle découle du passé en particulier du blocus quasi complet de Gaza depuis juin 2007, blocus condamné même par la France à l’ONU le 21 janvier 20082 et venant de la volonté de l’Etat d’Israël de ne pas négocier avec le Hamas pourtant élu démocratiquement. Tout le monde parle de la réciprocité de la violence et des morts, de la nécessité pour chacun de se défendre dans ce conflit mais nous lisons ce matin dans le Nouvel Observateur un bien horrible bilan : « En trois semaines d’offensive, au moins 1.206 Palestiniens ont été tués, dont 410 enfants et 108 femmes, et plus de 5.300 blessés, selon les services d’urgence de Gaza. D’après le Centre palestinien des droits de l’Homme à Gaza, 65% des morts sont des civils. Côté israélien, 10 militaires et trois civils ont péri durant la même période. L’armée israélienne a évalué à plus de 500 le nombre de combattants du Hamas tués. L’aviation a mené 2.500 raids tandis que les combattants palestiniens ont tiré 700 roquettes et obus de mortier vers le territoire israélien. » La disproportion de ces chiffres ne saute-t-elle pas aux yeux ? Et il y a plus : « Plus globalement sur l’ensemble des territoires palestiniens depuis le second soulèvement populaire (l’Intifada Al-Aqsa en 2000), plus de 6.000 palestiniens ont été tués lors de raids militaires israéliens, dont plus d’un millier dans la seule Bande de Gaza depuis juin 2007. Depuis la Conférence d’Annapolis en novembre 2007, censée aboutir au réglement du conflit avant la fin du mandat de George W. Bush, quelque 200 Palestiniens ont été tués lors d’opérations de l’armée israélienne. Un millier d’autres ont été arrêtés et emprisonnés sans aucun procès, plusieurs centaines de maisons ont été arbitrairement démolies »3 Peut-on encore soutenir qu’Israël se défend contre les attaques du Hamas ? Sommes-nous vraiment en présence d’une guerre comme nous l’assènent continuellement les médias ou plus précisément de crimes de guerre ou mieux encore, comme le propose par exemple et entre autres Stéphane Hessel, de « crimes contre l’humanité »4 ? La duplicité de votre journaliste est de mettre les mêmes mots que ceux-là dans la bouche de l’Imam, comme s’il n’y avait que les « musulmans » et en particuliers leurs dignitaires religieux qui pouvaient penser cela. Je vous rappelle que Stéphane Hessel est d’origine juive et pourquoi n’avez-vous pas interrogé par exemple les membres du comité poitevin France-Palestine pour savoir ce qu’ils en pensaient ? N’importe quel être humain ne doit-il pas penser que les droits de l’homme sont gravement bafoués à Gaza par l’armée israélienne ?
Il s’ensuit donc de tout cela que nous ne pouvons pas croire que de tels articles de la Nouvelle République cherchent à informer d’une manière objective, c’est-à-dire d’une manière qui ne trahit pas la réalité des faits ou des événements mais plutôt qu’ils semblent chercher à faire monter la pression de façon irresponsable entre les communautés musulmanes et juives en jetant de l’huile sur le feu et conduisent à opérer une désinformation par rapport à ce qui se passe réellement à Gaza. Vous êtes-vous rendu compte de l’impact pernicieux que pourrait avoir les articles de votre journaliste sur l’opinion des poitevins et surtout sur les esprits simples ? Vous êtes vous aperçu que ce que vous avez écrit pouvait susciter un sentiment fantasmatique de peur et d’insécurité ? Vous sentirez-vous responsables si la synagogue ou la mosquée sont attaquées et si on trouve des tags antisémites sur les murs de Poitiers ? Ne vous sentez-vous pas enfin responsables, par votre décision de colporter des idées reçues pernicieuses, et de ne pas protester énergiquement contre les massacres qui ont lieu à Gaza en utilisant les moyens qui sont les vôtres, du silence qui règne sur la situation terriblement injuste et tragique dans laquelle se trouvent aujourd’hui les gazaouis ?