« Toute remise de soi implique réciprocité, même si cette dernière n’est pas tenue de s’exprimer terme à terme : dans l’échange amoureux, la remise en retour renforce le lien, surtout lorsqu’elle ne s’effectue pas dans la même monnaie, à l’inverse du remboursement d’une dette, qui dénoue le lien […]. Si l’on cherchait une métaphore ou une représentation suggestive et réaliste de l’amour naissant, il ne faudrait y voir ni un processus chimique de fusion, ni un brusque éclair venu du ciel, ni une conversation ininterrompue mais peut-être une simple circulation de biens ; les biens échangés, pour une part immatériels, tirent leur prix moins de leur valeur économique éventuelle ou du fait qu’ils aient été choisis en fonction des goûts de l’autre, que du lien intime qui les attache au donateur. Certaines révélations ou informations sur soi doivent être considérées comme de véritables offrandes, comme lorsqu’on dévoile au partenaire un événement grave, normalement caché, un secret de famille, ou une violence subie dans son enfance ou sa jeunesse. » Michel Bozon, Pratique de l’amour