De l’éducation populaire à la culture populaire
Pour l’assemblée générale, l’année dernière, je pointais le dynamisme du Centre. Cette année les mots me manquent pour parler de tout ce qui a été fait en particulier pour cette année de fête des 40 ans. Nous pouvons être très fiers car jusqu’à présent nous avons mené à bien tout ce que nous avons entrepris. Tous les temps forts projetés ont eu lieu et se sont déroulés parfaitement.
Tout a commencé il y a juste un an avec l’inauguration du coin convivial de la place de France, la semaine interculturelle et le couscous géant d’Aïcha. Puis ont suivis la fête du quartier, le concert de quintet de cuivres de l’Orchestre de Poitou-Charentes rue d’Osmoy, la fête de la musique avec l’inauguration des nouveaux locaux de Pourquoi pas – la Ruche, le concert de la chorale de la MGEN au foyer Marie-Louise Troubat. Puis il y a eu la répétition publique de l’Orchestre du Poitou Charentes, le rallye pédestre, le dîner dansant et le festival Ecoutez-voir. Et enfin, la bourse aux vêtements de Noël, la fête de Noël des enfants, le Moment officiel de l’anniversaire des 40 ans, la semaine des Talents, le(s) Carnaval(s) et les Journées de la participation.
Ces temps forts qui dénotent notre coopération étroite avec les associations et les habitants du quartier, ne doivent pas faire oublier l’accompagnement des habitants dans leur quotidien. L’exemple emblématique nous est donné par l’épicerie sociale Pom Cassis. A l’origine initiative d’habitants accompagnée par le Centre, elle est devenue une association autonome lors de son Assemblée Générale constitutive le 15 janvier dernier.
Nous ne devons pas oublier non plus ces nombreuses activités plus courantes, ce qui ne veut pas dire bien-sûr ordinaires, du Centre qui sont menées à longueur d’années par les secteurs enfant, jeune, familles/adultes, les activités animées par les habitants et les professionnels etc.
Tout cela est beaucoup, c’est même énorme. C’est pourtant ce qui a été réalisé cette année.
Suite aux Journées de la participation je souhaiterais parler ici de méthode et continuer à préciser ce qu’est notre Centre socio-culturel ?
Si le côté social a été abordé précisément, dans mon mot pour l’Assemblée Générale de l’année dernière et dans mon discours pour le moment officiel du 17 décembre, le côté culturel l’a été beaucoup moins. Pour ce qui est du social, je rappelle mes conclusions. Le Centre n’est pas là principalement pour faire de l’assistance même si bien-sûr il en fait. Il n’est pas là non plus pour redistribuer les richesses dans un souci d’équité sociale, ni pour servir de courroie de transmission et pour faire du contrôle social. Nos trois orientations du contrat de projet 2005-2008 qui s’achève, 1- développer auprès des habitants une écoute attentive, un accueil chaleureux et favoriser tous les échanges possibles ; 2- accompagner les préoccupations quotidiennes des habitants, en favorisant l’action collective, en s’appuyant sur la complémentarité des ressources, entre habitants, groupes et réseaux ; 3- soutenir les projets des habitants et des associations du quartier, en s’appuyant sur un projet associatif fort, indiquent un parti pris explicite : être au service des habitants et surtout ne pas faire à leur place, ne pas décider pour eux mais les accompagner pour qu’ils accomplissent et réalisent ce qu’ils souhaitent eux-mêmes. Ce n’est en aucun cas une lubie démagogique mais un réel principe qui guide notre action.
Si le Centre se doit de reconnaître et d’expliciter son rôle dans le contrôle social afin de s’en défaire progressivement, il doit reconnaître que son rôle va aussi depuis un certain temps au-delà. Il doit reconnaître qu’il n’est plus au service des seuls décideurs mais des habitants, qu’il doit briser les barrières afin de réduire les distances et d’établir une relation de proximité entre les habitants. Enfin qu’il fasse circuler la parole afin de rompre l’isolement et la division.
Pour ce qui est du culturel, les choses sont plus floues. Le Culturel c’est d’abord un champ d’action dans la politique de la municipalité. Nous avons à Poitiers un Adjoint au maire à la culture. Cette politique semble en général pensée comme développement culturel. Le Culturel semble alors confondu avec l’artistique et l’artistique semble être confondu avec les Beaux-Arts.
Qu’est-ce que cet Artistico-culturel des Beaux-Arts ? C’est avant tout exercer son jugement de goût, aller au Musée et au spectacle (théâtre, opéra, concert, danse…) mais aussi savoir reconnaître le chef-d’œuvre artistique du simple objet de consommation. C’est donc être cultivé (qui a de la culture, une instruction bien assimilée). La culture dont il est question ici ce n’est pas « l’ensemble des formes acquises de comportement dans les sociétés humaines et non pas à l’hérédité » ni même « l’ensemble des aspect intellectuels propres à une civilisation, une nation » mais le « Développement de certaines facultés de l’esprit par des exercices intellectuels appropriés. Par ex. ensemble des connaissances acquises qui permettent de développer le sens critique, le jugement, le goût ». Par exemple le Théâtre de Poitiers a clairement tranché en faveur d’une telle conception du Culturel. On peut lire dans leur présentation sur leur site internet : « Salle d’art et d’essai classée, le Théâtre programme toute l’année une sélection exigeante, rigoureuse et audacieuse (155 films en 2007) illustrant une politique culturelle orientée vers deux axes principaux :
Une politique de programmation visant à défendre et à faire découvrir l’art cinématographique dans sa diversité en privilégiant les œuvres les plus novatrices, les cinématographies peu diffusées, les jeunes auteurs, et en donnant toute leur place aux chefs-d’œuvre du patrimoine, aux courts-métrages, aux documentaires et aux films destinés au jeune public.
Une politique de recherche et de formation du public qui se traduit par la diffusion d’une information régulière, par de fréquentes actions d’animation, des nuits du cinéma, des cycles thématiques, des actions communes avec l’Université, etc. »
Et tout d’un coup cela devient problématique. Car la culture dans ce dernier sens n’a-t-elle pas tendance à se penser comme LA culture ? La culture bourgeoise ? La culture par excellence ? La culture élitiste ? A l’ethnocentrisme répond le socio-centrisme. L’ethnocentrisme postule que non seulement ma culture est supérieure à celle des autres, la culture occidentale est supérieure aux cultures orientales, africaines, américaines, mais nous nous devons d’apporter à ces êtres non civilisés ou, plus hypocrite, sous-développés, la civilisation qui leur manque. Le socio-centrisme postule quant à lui qu’il n’existe qu’une seule culture : la culture dominante. C’est la thèse de Pierre Bourdieu : la culture est distinction sociale. Non seulement elle permet de me distinguer des autres mais elle postule une hiérarchie culturelle ou mieux une ignorance des autres formes de cultures. Cela implique dans les deux cas que les autres (ethnies, classes ) n’ont pas de culture.
Le problème du Culturel est d’emblée un problème Social. Dans une société divisée en classes sociales, les enjeux du Culturel s’inscrivent dans les intérêts des classes antagonistes. Il nous faut donc rompre avec la façon de voir les choses genre éducation populaire : il y a des barrières sociales à l’acquisition de la culture qu’il faut lever et défendre fermement un autre point de vue : le peuple comme les différentes cultures a une culture propre qui est déniée et réprimée . Il faut arriver à renouer avec celle-ci et permettre son expression et sa pratique. Ainsi, si nous voulons une cohérence du culturel avec le social, il nous faut toujours non seulement nous recentrer sur un culturel qui n’est pas seulement artistique et sur un artistique qui n’est pas seulement centré sur les beaux arts, mais accepter qu’il y ait une culture populaire et non pas chercher une popularisation de la culture dominante. Il nous faut la retrouver, la faire émerger puis la défendre et la pratiquer.
L’action culturelle du Centre se place résolument dans cette perspective. Quelques exemples parmi d’autres : le Carnaval ; le festival Ecoutez-voir ; la semaine des Talents ; la semaine interculturelle…
Pour finir, je voudrais remercier infiniment ici tous ceux qui se sont investis sans compter en particulier pour que cette année, qui aura été la fête anniversaire des 40 ans du Centre, soit réussie. Je remercie les bénévoles qui ont donné beaucoup de leur temps (sans oublier les administrateurs toujours présents). Ce soir nous aurons une pensée particulièrement pour Daniel Durivault qui a été l’un des bénévoles très actifs du Centre et Monique Gaschard qui en a été la présidente, et à Claude Dupin, habitant du quartier et salarié du CSC. Je voudrais aussi remercier les salariés toujours impliqués dans leurs multiples activités ; et Vincent Divoux qui a des idées toujours si pertinentes. J’adresse mes remerciements à tous, ainsi qu’à nos partenaires institutionnels et associatifs. J’adresse aussi mes remerciements à tous les financeurs, entre autres, la Ville de Poitiers, la Caisse d’Allocations Familiales, l’Etat, le Conseil Général et tous les autres.