Poitiers le 31 janvier 1998
Madame, Monsieur,
Suite à mon courrier et votre réponse, je vous remercie de l’attention que vous y avez portée. Je voudrais toutefois vous préciser que mon intention n’était pas spécialement d’être publié au courrier des lecteurs mais seulement de vous informer de ce qui se passe en ce qui concerne la question des Maîtres auxiliaires de l’Éducation Nationale. Étant donné que je suis moi-même Maître Auxiliaire, je me rends compte que les faits sont appréhendés très confusément, je considère même qu’ils sont relatés et analysés par la presse (quand ils le sont) très imprécisément voire faussement. Pour me faire comprendre et à titre d’exemple je prendrais un article du journal Le Monde daté de vendredi 30 janvier 1998, dans « Un rapport estime que 10 % des heures de cours ne sont pas assurées dans le secondaire », Béatrice Gurrey écrit, « Le rapport Bloch propose donc de réduire le nombre d’absences dues aux examens et aux concours (en planifiant davantage leur organisation), d’éviter les départs en cours d’année, de donner aux établissements les moyens de gérer les absences de courte durée, et de clarifier le statut des remplaçants, dès lors que tous les maîtres auxiliaires, qui autorisaient une certaines souplesse de gestion ont été réemployés » (c’est moi qui souligne). Qu’est-ce que cela veut dire ? Comment quelqu’un qui n’est pas concerné par la question peut-il y comprendre quoi que ce soit ? Que veut dire tous les maîtres auxiliaires, qui autorisaient une certaines souplesse de gestion ont été réemployés ? Certes, pour la rentrée 1997, il a été décidé par le Ministre que tous les MA qui étaient en poste l’année dernière (y compris sur des postes de réemploi) seraient réemployés. Comment savoir ce qui s’est réellement passé ? Combien de MA étaient concernés ? Combien ont été réemployés sur des postes correspondant à leur formation ? Combien l’ont été sur des postes « fantômes » administratifs ou ne correspondant pas à leur discipline ? Il me semble, mais j’avoue ne plus savoir à quel Saint me vouer, les syndicats mangeant à la table du Recteur !, qu’un nombre non négligeable de MA sont payés à ne rien faire sur des postes bidons dans certains établissements. Je ne les dénonce pas car je suis conscient que je l’ai été moi-même l’année dernière lors de mes 4 mois de réemploi et que subissant plutôt cet état de fait, ils y sont effectivement pour rien. Il est écrit dans leur avis de nomination de septembre qu’ils étaient immédiatement à la disposition du Rectorat pour assurer des remplacements dans leur discipline, on ne voit pas alors pourquoi il y aurait un manque de souplesse.
Pourquoi alors les absences d’enseignants ne sont pas remplacées ? Mauvaise organisation est-il dit dans l’article, mais comment cela peut-il s’appliquer aux stages ? Le Ministre a dit : « [les enseignants] sont en formation huit jours après la rentrée, laissant les enfants tout seuls ». Qui donc impose les dates des stages ? Les enseignants eux-mêmes ? Qui laisse les enfants tout seuls ? les enseignants ou le Rectorat ? Il faut se rendre à l’évidence : il y a des collégiens dans les collèges et des lycéens dans les lycées ! L’enseignement à ceci de particulier qu’il concerne des êtres humains réunis en classes. Si le professeur est absent, on ne peut pas faire comme ailleurs, attendre qu’il revienne car les élèves, eux, sont là. Que faire d’eux ? N’est-il pas possible de leur assurer quand même des cours ? L’Éducation nationale ne se moquerait-elle pas des élèves et de leurs parents ?
D’autre part, que voudrait nous faire croire le Ministre ? Que les enseignants se forment égoïstement pour eux-mêmes ? Ces absences sont absolument nécessaires pour la formation continue de personnel qui se doit d’être très « pointu », il s’agit quand même d’enseignement ! elles sont nécessaires pour l’Éducation nationale et non personnellement pour les professeurs. Étant donné qu’elles sont prévues de longue date, ne serait-il pas administrativement facile d’organiser les remplacements ? Pourquoi alors cela n’est-il pas fait ?
Mauvaise organisation est-il dit dans l’article, c’est évident ! Un exemple récent : Les élèves de deux classes de terminale STT du Lycée Edouard Branly à Châtellerault (86) ont manifesté jeudi 28 après midi devant le Rectorat pour demander que leur professeur, en congés maladie à cause de sa grossesse, soit remplacé (La Nouvelle République, 30 janvier 1998). Cela fait un mois que des élèves qui ont le bac à la fin de l’année n’ont pas de professeurs pour assurer les cours de leur matière la plus importante. Cela fait un mois qu’ils « sont laissés tout seuls » selon le bon mot du Ministre, est-ce que cela gène le Rectorat ou même notre chasseur de mammouth ?
Mais est-ce seulement de la mauvaise organisation ? Ce qui manque un peu à l’article du Monde ce sont des précisions. Je ne vois nulle part écrit que les enseignants en congés maladie ne sont remplacés qu’à partir d’un certain nombre de jours d’arrêt maladie consécutifs. Je pense que c’est 15 jours. Souvent les enseignants, pleins de bonnes intentions, pour ne pas perturber le service et pénaliser leurs élèves, prennent 5 ou 8 jours et sont obligés de prolonger 5 ou 8 jours ce qui fait qu’ils ne sont pas remplacés durant 2 semaines et que leurs élèves sont quand même pénalisés. Ne pourrait-on baisser le nombre de jours à partir duquel les enseignants sont remplacés à 2 ou 3 afin que leurs élèves ne soient pas « laissés tout seuls » c’est-à-dire pénalisés et pour que l’égalité des chances soit respectée ?
Car il faudrait savoir si les établissement sont touchés à égalité par les congés maladie et l’absentéisme des enseignants. Les « bons » établissements ne le sont-ils pas moins que les « mauvais » ? Est-il indifférent que « les heures manquantes sont plus nombreuses dans les lycées professionnels que dans les lycées ou les collèges » ? Était-il indifférent que les MA obtenaient des remplacements dans des établissements où personne de voulait aller ? (En 93-94 j’ai obtenu un remplacement de philosophie dans ce même lycée technique E. Branly, le professeur titulaire du poste avait « disparu » personne ne savait ce qu’il était devenu et je ne le sais toujours pas !).
Il faudrait donc, je pense, une réelle politique du remplacement quasi-automatique des professeurs. Actuellement cette dernière ne peut être efficacement mise en place qu’avec une prise en compte de l’auxiliariat. Pourquoi donc ne pas adjoindre à cette politique de remplacement, une réelle politique de l’intégration des MA ? Si on ne le fait pas n’est-ce pas à cause du concours et à cause de tous ceux qui, ayant des visées corporatistes, défendent les concours ?
Je vous le répète, mon intention n’est pas spécialement d’être publié au courrier des lecteurs mais seulement de vous informer de ce qui se passe en ce qui concerne la question des Maîtres auxiliaires de l’Éducation Nationale.
Cordialement,