Chroniques sur la question palestinienne (5)


Quand Netanyahou va-t-il arrêter de mentir ? Le ratio combattant / civil à Gaza et le 7-octobre

Dans un article du 29 septembre 2025 « Compter les morts » Gwenaël Breës explique : « À la tribune de l’ONU, Netanyahu a rejeté « la fausse accusation de génocide », s’appuyant pour ce faire sur les écrits de l’« expert militaire » américain John Spencer. Chercheur au Jerusalem Center for Security and Foreign Affairs et ardent défenseur d’Israël, Spencer martèle depuis des mois que l’armée israélienne protège mieux « les droits des civils dans une zone de combat que toute autre armée dans l’histoire ». Selon lui, à Gaza, depuis deux ans, moins de deux civils seraient tués pour chaque combattant éliminé. Netanyahu s’enorgueillit de ce « ratio étonnamment faible, inférieur aux guerres de l’OTAN en Afghanistan et en Irak »1.

Il ne fait aucun doute que Spencer est un propagandiste patenté et zélé du régime sioniste-israélien dont il va chercher à justifier bec et ongles les actions. Il considère que « les accusations de crimes contre l’humanité contre Israël sont sans fondement et [qu’] elles mettent en danger les pays occidentaux ». Que des « accusations telles que « la famine des civils comme méthode de guerre » et « l’attaque intentionnelle dirigée contre la population civile » ignorent des montagnes de preuves contradictoires ». Ou encore, il « affirme qu’Israël est allé au-delà de ce que l’on attendait d’un État pour tenter de prévenir les dommages causés aux non-combattants » en soutenant « qu’Israël avait mis en œuvre la quasi-totalité des mesures de réduction des dommages civils requises en zone urbaine, ainsi que les normes juridiques détaillées dans le droit international humanitaire, et qu’il en avait également créé de nouvelles qu’aucune armée n’avait jamais tentées. Il s’agissait notamment d’accorder à la population civile un délai d’évacuation prolongé en garantissant des itinéraires sûrs et une zone humanitaire vers laquelle elle pourrait se réfugier, pendant les combats, ainsi que des SMS et des annonces personnelles diffusés par drone afin d’informer la population civile de la nécessité d’évacuer »2.

Son point aveugle, ou sa mauvaise foi, c’est selon, c’est la négation de la nature asymétrique de ce conflit colonial et l’occultation de l’utilisation du bombardement comme méthode de combat quasi-exclusif. Nous avons déjà abordé cette question dans un précédent article3. Il nous est apparu clair que bombarder à tout va permet d’abord de faire la guerre de loin et d’économiser des vies de soldats. Les tueries par bombardements d’autre part, comme celles par drones et, dans une moindre mesure, par des tirs de snipers, sont privilégiées par les israéliens car elles procèdent à travers la médiation d’un écran et sont de ce fait déréalisées, virtuelles. C’est une volonté d’éviter les chocs traumatiques des soldats engagés dans une guerre sale. Cette tentative de mise à distance a déjà été historiquement mise en lumière à propos de ce que je nommerais l’émotion d’humanité d’Himmler qui fût « fut visiblement ému » au point de « vaciller » lorsqu’il a assisté « à une exécution par fusillade dans le domaine d’intervention de l’Einsatzgruppe B ». « Tandis que les balles fusent, abattant sans pitié des prisonniers soviétiques, Himmler, d’ordinaire impassible, vacille. Un morceau de cervelle humaine est venu souiller son pardessus, provoquant chez lui un malaise inattendu ». Et Himmler, choqué, a cherché à protéger les assassins et les bourreaux de la folie en donnant « un ordre spécial pour que les femmes et les enfants ne soient pas exposés à la tension mentale que constituaient les exécutions, et ainsi les hommes des Kommandos, pour la plupart des hommes mariés, ne seraient pas obligés de tirer sur des femmes et des enfants » . L’ordre d’Himmler était certainement plus une volonté de préserver ses hommes des ravages des syndromes traumatiques que généré par une émotion d’humanité envers les victimes. Mais il en dit long sur les ravages psychologiques des horreurs que peuvent commettre les soldats même les plus aguerris. Un autre témoin de la scène le général de corps d’armée von dem Bach-Zelewski s’adressa à Himmler : « Mon Maréchal, ceux ne sont là qu’une centaine… Regardez les yeux des hommes de ce commando, comme ils ont l’air profondément secoués. Ces hommes sont finis [«fertig»] pour le restant de leurs jours. Quel genre de recrues formons-nous ici? Ou bien des névropathes ou bien des sauvages. »

Comme avec les Einsatzgruppen allemands envers les juifs dans les pays d’Europe de l’Est en 1941-1942, nous avons donc affaire à Gaza à des tueries de masse, à une extermination impitoyable des palestiniens par des juifs. En utilisant la Shoah par balles puis les « camions à gaz » en 1941-1942 et en utilisant les bombardements massifs à Gaza. Mais, dans un cas comme dans l’autre, et concernant l’impact du traumatisme sur les tortionnaires, ces techniques sont particulièrement inefficaces. Concernant les tortionnaires israéliens, comme il s’agit du premier génocide dont on peut suivre en direct les horreurs, les pilotes des avions et des drones, les artilleurs, ne peuvent pas rester indifférents aux conséquences désastreuses de leurs actes. Et, d’autre part, nous savons que bombarder ne suffit pas pour gagner un conflit et qu’il faut aussi envoyer les troupes au sol. Troupes au sol qui sont soumises aux effets directs de leurs actes inhumains et qui alimente leur mémoire traumatique.

Bien que Spencer se place dans une perspective de réflexion sur la moralité de l’armée israélienne, et c’est une conception bien étriquée de la morale que de ne pas considérer que les bombardements de civils, même accompagnés de précautions et d’avertissements, sont au mieux de l’ordre de la banalité du mal au pire du mal radical. D’autant plus que l’armée israélienne étant coloniale, elle ne peut que commettre des actes immoraux. Tout cela entre en contradiction insurmontable avec sa « moralité ». On aura beau tourner les choses dans tous les sens, Israël est le colonisateur, l’agresseur, et l’oppresseur, et ne pourra jamais être « moral ».

Ilan Pappé, professeur à l’université d’Haïfa (1984-2006) énonce dans le film documentaire Tantura4 cette contradiction fondamentale indépassable : « Je pense que l’image qu’Israël a de lui-même, en tant que société morale est une chose que je n’ai vue nulle part ailleurs. A quel point c’est important pour lui d’être une exception, « nous sommes le peuple élu », cela fait partie de l’auto-identification d’Israël, en tant que peuple particulièrement moral. Et j’ai grandi avec cette idée d’armée la plus morale du monde », et les israéliens ont beaucoup de mal à admettre qu’ils commettent des crimes de guerre parce que fondamentalement, le projet sioniste a un problème. En un sens c’est une tragédie. Les juifs ont dû fuir l’Europe pour se trouver un refuge sûr, mais vous ne pouvez pas créer un refuge sûr en créant une catastrophe pour un autre peuple ».

Quelques ressources concernant Tantura et l’affaire Teddy Katz

« Israël ne peut plus enterrer le massacre de Tantura », Ilan Pappe, 5 février 2022 – 08:22.

« Tantura participe du crime global contre l’humanité commis par Israël en 1948 et qui continue à ce jour – un crime qui est encore largement nié. Les films ou les thèses de juifs israéliens consciencieux ne suffisent pas à le rectifier »5.

« Nakba : la preuve par « Tantura » », Dominique Vidal, 15 février 2023.

« « Tantura » est un film documentaire qu’on ne peut pas oublier. Même moi qui écrivis, en 1998, le premier livre de synthèse des travaux des « nouveaux historiens israéliens [1] », sa vision m’a sidéré par le rythme haletant de son alternance de films de l’époque et de témoignages, sans oublier les intervention d’historiens spécialisés »6.

« Israël, 1948. Le massacre de Tantoura a bien eu lieu » Sylvain Cypel, 2 février 2022

« Révélé en 2000, le meurtre de plus de deux cents civils palestiniens par les forces israéliennes dans le village de Tantoura a longtemps été contesté et l’auteur des révélations calomnié, ostracisé, marginalisé par l’université. Vingt ans plus tard, un film confirme ses travaux : le massacre de Tantoura a bien eu lieu »7.

Avec Tantura, Israël confronté au massacre de Palestiniens en 1948 », Par AFP, 26 janvier 2022 – 11:07

« L’Autorité Palestinienne a appelé à la création d’une « commission internationale pour enquêter » sur les « crimes et massacres » qu’auraient commis les forces israéliennes en 1948 »8.

Le massacre de Tantura en 1948 et la diffamation académique de Teddy Katz », Par Jonathan Ofir Mondoweiss 3 mars 20169.

« Tous les hommes de Tantura [en Israël] ont été emmenés au cimetière du village, et ils les ont mis en lignes, et ils leur ont ordonné de commencer à creuser, et chaque ligne qui finissait de creuser était abattue et tombait dans les trous. . Ce qui, je suppose, rappelle à au moins quelques-uns d’entre vous quelque chose qui concernait les Allemands, trois ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale. » — Teddy Katz, conférence, Olean, NY, 14 avril 200510.

Dans son article, Gwenaël Breës précise les difficultés qu’il y a pour « compter les morts ». « Dans les faits, on ignore combien de combattants du Hamas et d’autres groupes armés palestiniens ont été réellement tués. On ne sait pas non plus selon quels critères l’armée israélienne les désigne comme « terroristes ». Le nombre total de victimes à Gaza reste inconnu, et si Netanyahu dispose de telles données, leur absence de publication devrait scandaliser les médias et les dirigeants étrangers. Pourtant, Israël ne fournit aucun bilan des victimes à Gaza et s’est longtemps contenté d’accuser le ministère de la Santé de Gaza de gonfler ses chiffres ».

Mais nous pouvons faire des évaluations ou du moins contredire les évaluations fallacieuses. Le bilan humain que nous pouvons juger le plus objectif est celui de Guillaume Ancel publié dans son Blog, Ne Pas Subir, le 20 juillet 2024 : « Gaza, le bilan « difficile mais essentiel » d’un carnage »11. Cet analyste militaire y fait une hypothèse basse et une hypothèse haute. « En 9 mois ½ d’une offensive militaire contre la bande de Gaza d’une rare ampleur compte tenu de la faible dimension du territoire concerné (365 km2), le bilan humain est dramatique. A ce stade, les estimations varient entre 80 et 180 mille morts, auxquels il faut rajouter un coefficient de 3,5 fois plus de blessés. La population de la bande de Gaza était estimée au début de cette guerre à un peu moins de 2,4 millions d’habitants.

Hypothèse basse : […] 80,000 morts et 280,000 blessés, soit 360,000 victimes de cette guerre (15% de la population) est l’hypothèse basse que j’avance, sur la base d’une estimation des dommages directs des bombardements (bomb damage assessment).

Tsahal, l’armée israélienne, a conduit en moyenne 300 bombardements par jour jusqu’à début juin puis elle aurait diminué son rythme de moitié ce dernier mois, faute de cibles… Avec un trend de 9,000 bombardements par mois (artillerie, missiles et bombes), le bilan sur la durée du nombre de morts est de cet ordre : 9,000 morts / mois avec une réduction au mois de juin, soit plus de 80,000 morts à mi-juillet.

Avec un effectif de miliciens du Hamas (toujours difficile à estimer) de moins de 30,000 combattants, cela veut dire que l’offensive Netanyahou a fait environ 90% de dommages collatéraux (près 300 mille morts et blessés pour 30 mille cibles), ce qui n’est pas étonnant dans une opération qui a consisté principalement à bombarder un camp de réfugiés de forte densité et sans aucune possibilité d’échappement pour la population civile.

Hypothèse haute : […] 180,000 morts et 630,000 blessés, soit 810,000 victimes de cette guerre (33% de la population) est l’hypothèse publiée dans la très sérieuse revue médicale The Lancet12.

Maintenant, actualisons les chiffres de Guillaume Ancel une année après la rédaction de son article. Au 19 juin 2024, le ministère de la santé de Gaza évaluait à 37 396 le nombre de tués. Au 6 juillet 2025 c’était 57 418. Donc l’hypothèse basse : près de 120 000 tués et 420 000 blessés soit 540 000 victimes dont plus de 270 000 femmes et enfants13. Soit plus de 5% de la population de Gaza (2 200 000 habitants en 2023) de tuée et près de 25% de victimes. Et, soit 77 % de dommages collatéraux concernant les tués (Soit 4 civils pour un combattant). L’hypothèse haute : 260 000 tués, 910 000 blessés soit 1 110 000 victimes, dont plus de 550 000 femmes et enfants. Soit près de 12% de la population de Gaza (2 200 000 habitants en 2023) de tuée et plus de 50% de victimes. Et, 88 % de dommages collatéraux concernant les tués (Soit près de 9 civils pour un combattant).

Si maintenant nous actualisons les chiffres de Guillaume Ancel avec ceux de la base de données de l’armée israélienne qui révèlent « qu’Israël pensait avoir tué quelque 8 900 militants lors de ses attaques contre Gaza »14. Guillaume Ancel prenait 30 000 comme base théorique de ce nombre de militants du Hamas tués par Israël. Donc l’hypothèse basse (plus de 65 000 morts recensés le 19 septembre 2025 par le ministère de la Santé de Gaza [« Le bilan des morts à Gaza dépasse les 65 000 alors que des centaines de milliers fuient vers le sud » Andre Damon, 20 septembre 2025

Le nombre de morts dans le génocide de Gaza, qui dure depuis près de deux ans, a atteint 65 000, a annoncé vendredi le ministère de la Santé de Gaza15 : 130 000 tués et 455 000 blessés soit 585 000 victimes dont plus de 293 000 femmes et enfants. Et, soit plus de 26% de la population de Gaza, soit près de 93 % de dommages collatéraux (Soit près de 15 civils pour un combattant). L’hypothèse haute : 260 000 tués 910 000 blessés soit 1 110 000 victimes, dont plus de 293 000 femmes et enfants. Soit près de 12% de la population de Gaza (2 200 000 habitants en 2023) de tuée et plus de 50% de victimes. Et, soit près de 97% de dommages collatéraux concernant les tués (Soit plus de 29 civils pour un combattant).

Nous sommes loin, voire très loin, des évaluations fantaisistes de Spencer-Netanyahou.

Mise au point concernant l’attaque du 7 octobre

Benjamin Netanyahu a débuté son discours prononcé en date du 27 septembre devant l’Assemblée générale des Nations unies en promettant « de dire la vérité ». Las ce ne fut qu’un tissu de mensonges.

Concernant l’attaque du 7 octobre 2023 il en parle comme d’une « malédiction ». « Des milliers de terroristes du Hamas, avec le soutien de l’Iran, sont entrés en Israël à bord de pick-ups ou à moto, et ils ont commis des atrocités inimaginables. Ils ont sauvagement massacré 1 200 personnes. Ils ont violé et mutilé des femmes. Ils ont décapité des hommes. Ils ont brûlé vifs des nouveaux-nés. Ils ont brûlé vives des familles entières – des bébés, des enfants, des parents, des grands-parents, des scènes qui n’ont pas été sans rappeler la Shoah des nazis »16.

Nous avons vu plus haut que le Boucher de Gaza s’enorgueillissait du ratio étonnamment faible de moins de deux civils qui seraient tués pour chaque combattant éliminé depuis deux ans à Gaza.

Nous avons vu aussi que probablement l’hypothèse basse serait de 15 civils pour un combattant et la haute de plus de 29 civils pour un combattant.

En fait, c’est lors du 7-octobre que nous trouvons ce ratio « étonnamment faible ». Lors de l’attaque du Hamas, et d’après les sources israéliennes, le ratio des tués combattants / civils est de 2 civils pour 1 combattant (en gros 800 pour 400). Et encore puisque tout adulte est un combattant potentiel dans l’État colonial d’Israël, il ne faudrait compter que les enfants dans les civils : trente-huit !17 Sans compter que les civils sont des colons souvent armés et constitués en milices. C’est très schématique voire hypocrite de considérer que les combattants s’ils ne sont pas en service actif sont des civils. Cela n’a de sens que concernant les conflits conventionnels. En Palestine, il s’agit d’un conflit asymétrique du fait des Israéliens qui sont les colonisateurs-oppresseurs-agresseurs. Ces derniers sont des colons la plupart armés et organisés en milices. Et comme il s’agit d’une armée de réservistes, ils ne peuvent pas être considérés comme des civils. Seuls les enfants le peuvent.

Les palestiniens ont réussi ce tour de force de ne tuer qu’un seul civil pour 31 combattants. Et on va nous rabâcher à l’envie les horreurs de ce que ces gens de mauvaise foi, Netanyahu en tête, appellent sans rire un « pogrom ». Il dit dans son discours du 27 septembre, à propos du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas : « L’homme qui prétend vouloir la paix avec Israël, mais qui refuse toujours de condamner l’horrible POGROM du 7 octobre ».

Contrairement à ce qui se passe depuis le 8-octobre à Gaza et ce qu’il s’est passé depuis avant 1948, l’attaque du 7-octobre est, d’autre part, clairement légitime. L’État d’Israël est un État colonial agresseur et oppresseur. Seuls les palestiniens ont donc le droit de se défendre et de résister y compris en usant de violence. L’État colonial d’Israël use de brutalité. Il n’a aucun droit de se défendre. Autrement dit « C’est toujours l’oppresseur, non l’opprimé qui détermine la forme de lutte. Si l’oppresseur utilise la violence, l’opprimé n’aura pas d’autre choix que de répondre par la violence. Dans notre cas, ce n’était qu’une forme de légitime défense » Nelson Mandela dans son autobiographie, Un long chemin vers la liberté (1996).

Puisqu’il est l’oppresseur, le SEUL responsable de TOUT ce qu’il s’est passé en Palestine et qu’il se passe en ce moment, les crimes de guerre de l’armée, le génocide, mais aussi les exactions des colons israéliens ET des palestiniens, est l’Etat d’Israël. Et les occidentaux sont ses COMPLICES.

D’autre part l’État d’Israël n’est ni légal ni légitime. « Le 18 février 1947, le gouvernement britannique, qui avait accordé quelques mois plus tôt l’indépendance à la Jordanie, annonce son intention de mettre fin au mandat sur la Palestine, octroyé en 1922 par la SDN. Les mouvements sionistes, dont certains sont engagés dans une campagne d’attentats contre la présence britannique, exigent la création d’un État juif en se fondant sur la Déclaration Balfour, les Arabes demandent l’indépendance de la Palestine, où les Juifs formeraient une minorité. L’ONU forme un comité spécial pour examiner la question.

La résolution 181 adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies, le 29 novembre 1947, recommande le partage de la Palestine entre un État juif et un État arabe, en proposant pour les Lieux saints un « corpus separatum  » : 14 000 kilomètres carrés, avec 558 000 juifs et 405.000 arabes pour l’État juif, 11.500 kilomètres carrés, avec 804.000 arabes et 10 000 juifs pour l’État arabe, 106 000 Arabes et 100 000 juifs pour la zone internationale qui aurait compris les Lieux saints, Jérusalem et Bethléem. Entre les deux États, une union économique, monétaire et douanière était prévue.

Adoptée par 33 voix (dont les États-Unis et l’URSS), contre 13 et 10 abstentions, la résolution ne sera jamais appliquée. La violence éclate immédiatement entre les Juifs et les Arabes palestiniens soutenus par des volontaires armés par la Ligue arabe. Les Britanniques décident de partir en se refusant à tout transfert organisé du pouvoir. L’indépendance d’Israël est proclamée le 14 mai 1948 et, le lendemain, les États arabes voisins entrent en guerre.

La guerre aura pour conséquence la conquête par Israël de la moitié du territoire assigné par l’ONU à l’État arabe. Pour le reste, la Transjordanie s’empare de la rive occidentale du Jourdain qu’elle décide d’annexer en devenant la Jordanie, tandis que l’Égypte administrera jusqu’à la guerre de Six-Jours, en 1967, le territoire qu’elle a conquis : la Bande de Gaza. Par ailleurs, Israël bénéficie également de l’exode d’une grande partie de la population arabe »18.

Voir à ce sujet : « Origines du sionisme et mensonges d’Israël : 75 ans de déshonneur » ÉLUCID 6 septembre 2025

▶ Monique Chemillier-Gendreau est l’une de nos plus grandes spécialistes françaises du droit international, agrégée de droit public et de science politique, et professeure émérite à l’université Paris-Diderot. Ses travaux portent entre autres sur la théorie de l’État et l’ont conduite à plaider devant de prestigieuses juridictions internationales, comme la Cour internationale de justice, où elle a dénoncé les pratiques d’Israël dans les territoires palestiniens occupés. Elle est l’autrice de « Rendre impossible un État palestinien : l’objectif d’Israël depuis sa création », une analyse implacable de 75 ans de faux-semblants israéliens. Dans cette interview menée par Olivier Berruyer pour Élucid, elle revient sur le contexte d’émergence du sionisme et sur la manière dont cette idéologie s’est imposée. Puis, elle détaille les différentes stratégies d’Israël pour rendre impossible en pratique l’existence d’un État palestinien, en usant de tous les moyens possibles.19

Enfin, on sait que la directive Hannibal a été appliquée le 7-octobre mais on ignore combien de victimes elle a fait. Les israéliens ne veulent ni une enquête indépendante ni même une enquête israélienne. Toutefois, dès les jours qui ont suivi le 7-octobre des enquêtes ont été faites20.

Et enfin, concernant le Festival Nova, il faut avoir un sens moral fort peu développé voire inexistant pour aller faire la fête à côté d’un camp de concentration. Lorsqu’on a posé la question suivante : « Condamnez-vous ce que le Hamas a fait le 7 octobre ? » à Norman Finkelstein, fils de juifs survivants du ghetto de Varsovie, qui se fait connaître par sa thèse de doctorat démontant un best seller publié en 1984 par Joan Peters (en), From Time Immemorial (en) reprenant le mythe que la Palestine aurait été une « terre sans peuple pour un peuple sans terre », puis par ses écrits sur le conflit israélo-palestinien et sa critique de ce qu’il a appelé « l’Industrie de l’Holocauste », terme par lequel il désigne les organisations et les personnalités juives (notamment le Congrès juif mondial ou Elie Wiesel) qui, selon lui, instrumentalisent la Shoah dans un but politique (soutenir la politique israélienne) ou mercantile (obtenir des réparations financières de la part de l’Allemagne et de la Suisse), il a répondu : « Je pense que les personnes honnêtes reconnaîtront que ce n’est pas une question facile. Et, cela m’a pris beaucoup de temps pour trouver comment répondre à cette question. Je savais instinctivement, intuitivement, que je ne pouvais pas condamner ce que le Hamas a fait. Non pas parce que je suis un radical enflammé ou un djihadiste détraqué, la raison pour laquelle je ne pouvais pas le condamner était parce que j’avais passé les 15 dernières années à documenter ce qui avait été fait au peuple de Gaza. Et là où ils se trouvaient le 6 octobre, face à cette connaissance, quelque chose me disait que je ne pouvais pas condamner. A quoi est-ce que je fais référence ? Le simple fait est que depuis 1948, quand Gaza est devenue Gaza en 1948, depuis 1948, chaque fois – et je devrais clarifier pour les plus jeunes dans la salle, Gaza était sous contrôle administratif égyptien de 1948 à 1967, en 1967 elle est passée sous contrôle israélien -, mais il y a un dénominateur commun entre ces deux expériences, égyptienne puis israélienne. Le dénominateur commun était que chaque observateur externe qui venait à Gaza repartait en la décrivant comme un camp de concentration. C’est vrai pour les responsables de l’ONU dans les années 1950. C’est vrai, pour les plus âgés dans la salle, le père de notre ancien candidat présidentiel, Al Gore. Le père d’Al Gore est allé visiter Gaza, son père était aussi sénateur. Il est allé visiter Gaza juste après qu’Israël l’ait conquise. Il s’est présenté devant le Congrès et a dit : « Gaza est un immense camp de concentration ». En 2004, le chef du Conseil de Sécurité nationale d’Israël, l’équivalent de notre directeur de la CIA, a écrit, je cite : « Gaza est un immense camp de concentration ». Chaque observateur venant à Gaza repartait avec la même image mentale. Pour ceux d’entre vous qui ne le savent pas, la moitié, la moitié des détenus de ce camp de concentration sont des enfants. Imaginez que cette salle soit à moitié remplie d’enfants, d’ici à là-bas, au milieu jusqu’au bout, des enfants, c’est ça Gaza. Et tous, tous, sont nés dans un camp de concentration. Mais ce n’est, je suis désolé de le dire, ce n’est que le début car à partir de 2006, Israël a imposé ce blocus brutal sur Gaza, un blocus où ils ont interdit le chocolat d’entrer à Gaza. Ils ont interdit au linge pour bébé d’entrer à Gaza. Ils ont interdit aux chips de pomme de terre d’entrer à Gaza. La liste des choses qu’ils ont interdites était si longue qu’ils ont finalement décidé de simplement composer une liste de ce qui peut entrer à Gaza. Donc nous avons un camp de concentration, aggravé par un siège brutal, médiéval, criminel de Gaza. Et puis Israël lance périodiquement ses tueries high-tech à Gaza. Certains d’entre vous se souviendront des noms, 2008-9, Opération Plomb durci, 2012, Opération Pilier de défense, 2014, Opération Bordure protectrice. Pendant Bordure protectrice, le chef , le chef du comité International de la Croix Rouge, Peter Maurer, a fait un tour de Gaza après ce qu’Israël a fait pendant Bordure protectrice. Et il a commenté, je cite : « dans toute ma vie professionnelle, je n’ai jamais vue une telle destruction que celle que j’ai vue à Gaza ». « Dans toute ma vie professionnelle », une personne dont le CV entier consiste à visiter des zones de combat. Il a dit, « je n’ai jamais vu une telle destruction que celle que j’ai vue à Gaza ». Maintenant devinez quoi, vous êtes prêts pour ça ? Pendant l’Opération Bordure protectrice, il y avait 2,5 millions de tonnes de décombres laissés derrière, 2,5. Ça semble terrible, n’est-ce pas ? Ça semble horrible, n’est-ce pas ? Ça semble épouvantable, n’est-ce pas ? Ça vous laisse stupéfait, n’est-ce pas ? Pour moi, oui. Mais l’estimation actuelle est qu’Israël, à ce jour, a laissé derrière lui 50 millions de tonnes de décombres. 20 fois plus que Bordure protectrice quand Peter Maurer disait « je n’ai jamais vu une destruction comme celle-ci auparavant ». Pendant Bordure protectrice, 18 000 maisons ont été détruites ou gravement endommagées. Vous savez quel est le chiffre maintenant ? Environ 300 000. 92% des maisons à Gaza, ont été endommagées ou détruites.92%. 92%, c’est une sacrée réussite. Pas étonnant que les israéliens soient si heureux. C’est une accomplissement assez impressionnant. Donc, voilà ce qu’était Gaza. Un camp de concentration aggravé par un siège médiéval, aggravé par des tueries périodiques. Et à vrai dire, le monde avait oublié Gaza au 6 octobre. Toutes les discussions en ville portaient sur les Accords d’Abraham et si les Saoudiens allaient les rejoindre. Et il semblait aux habitants de Gaza que tout le conflit régional allait être résolu par-dessus leurs têtes. 60% des jeunes à Gaza étaient sans emploi. Tout ce qu’ils avaient à attendre chaque jour, pour toute leur vie, parce que la plupart d’entre eux sont nés après que le siège ait été imposé en 2006. Donc, ces jeunes hommes à gaza qui ont fait sauter les portes le 7 octobre ont fait sauter les portes du camp de concentration. Ces jeunes hommes, ils sont nés dans un camp de concentration. Il fait 42 km de long, la longueur d’un marathon, 8 km de large. Tout ce qu’ils avaient à faire chaque jour était de longer le périmètre du camp de concentration. Ils n’avaient pas de passé, ils n’avaient pas de présent, ils n’avaient pas d’avenir. Ils sont nés dans un camp de concentration. Ils ont langui dans ce camp de concentration. ET au 6 octobre, ils étaient destinés à y mourir. Face à ces faits, il me semble qu’on peut, même si cela peut sembler contradictoire, on peut dire simultanément que des horreurs se sont produites le 7 octobre, je ne crois pas qu’en l’état actuel de nos connaissances on puisse contester que le Hamas a commis des atrocités de masse le 7 octobre. Je crois qu’on peut reconnaître ce fait, mais dire simultanément, je refuse de condamner ceux qui ont perpétré ces actes parce qu’on ne leur a laissé aucun choix, aucune option, sauf de naître, de languir, et de mourir dans un camp de concentration »21.

 

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2 « « Sans fondement » : John Spencer, chercheur en guerre urbaine, conteste les accusations de crimes de guerre portées contre Israël » Par MAARIV EN LIGNE, 15 juillet 2024 02:34 https://www.jpost.com/israel-hamas-war/article-810334

3 « Chroniques sur la question palestinienne (3) Les soldats israéliens, bourreaux ET victimes ? » Jean-François CHAZERANS, 23 août 2025. https://chazerans.fr/2025/08/chroniques-sur-la-question-palestinienne-3/

4 Film réalisé par Alon Schwartz et sorti en 2022. Pour obtenir le film : https://www.tantura-film.com/

12 « Compter les morts à Gaza : difficile mais essentiel » The Lancet, Volume 404, Numéro 10449 p237-238 20 juillet 2024. Rasha Khateeb un , b rasha.alkhatib@aah.org ∙ Martin McKee c ∙ Salim Yusuf, https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(24)01169-3/fulltext qui intègre les victimes indirectes liées à la situation de guerre et à la catastrophe humanitaire engendrée par cette opération militaire ».

13 « Bande de Gaza: le nombre de morts dépasserait largement les chiffres officiels » Publié le : 08/07/2025. Cinquante-six pour cent des tués étaient soit des enfants de moins de 18 ans, soit des femmes. Les données exposent également que la proportion de femmes et d’enfants tués par mort violente à Gaza est plus de deux fois supérieure à celle observée dans presque tous les autres conflits récents, qu’il s’agisse du Kosovo (20%), de la Syrie (20%), du Soudan (23%)… https://www.rfi.fr/fr/moyen-orient/20250708-bande-de-gaza-le-nombre-de-morts-d%C3%A9passerait-largement-les-chiffres-officiels

14 « La base de données de l’armée israélienne suggère qu’au moins 83 % des morts à Gaza étaient des civils » Yuval Abraham, le 21 août 2025. Des renseignements classifiés datant du mois de mai révèlent que les israéliens croyaient avoir tué quelque 8 900 militants dans ses attaques contre Gaza, ce qui indique une proportion de massacres civils avec peu de parallèles dans la guerre moderne, selon une enquête conjointe.
Les données d’une base de données interne des services de renseignement israéliens indiquent qu’au moins 83 % des Palestiniens tués dans l’assaut israélien à Gaza étaient des civils, une enquête de 972 Magazine, Local Call et The Guardian. https://www.972mag.com/israeli-intelligence-database-83-percent-civilians-militants/

16 « Texte du discours de Netanyahu prononcé à la 79e Assemblée générale de l’ONU », Par Times of Israel Staff, 29 septembre 2024, 16:15. https://fr.timesofisrael.com/texte-du-discours-de-netanyahu-prononce-a-la-79e-assemblee-generale-de-lonu/

17 Voir « 38 enfants ont été tués et 20 sont devenus orphelins des deux parents, le 7 octobre » Par Times of Israel Staff, 3 mars 2024, 16:15 https://fr.timesofisrael.com/38-enfants-ont-ete-tues-et-20-sont-devenus-orphelins-des-deux-parents-le-7-octobre/

20 Par exemple : « Un nombre croissant de rapports indiquent que les forces israéliennes sont responsables de la mort de civils et de militaires israéliens à la suite de l’attaque du 7 octobre », Mondoweiss, 22 octobre 2023, Traduit de l’anglais par EDB (23 octobre 2023) https://www.endehorsdelaboite.com/fr/articles/un-nombre-croissant-de-rapports-indiquent-que-les-forces-israeliennes-sont-responsables-de-la-mort-de-civils-et-de-militaires-israeliens-a-la-suite-de-l-attaque-du-7-octobre
Voir aussi « Une vraie enquête sur le 7 octobre et ses suites » 10 septembre 2024 https://contre-attaque.net/2024/09/10/une-vraie-enquete-sur-le-7-octobre-et-ses-suites/
Et « La vérité sur le 7 octobre : Tsahal a déclenché la directive Hannibal (Haaretz) » Alain Marshal, 7 juillet 2024. « L’ordre était le suivant : “Pas un seul véhicule ne doit retourner à Gaza.” À ce stade, Tsahal ne connaissait pas l’ampleur des enlèvements le long de la frontière de Gaza, mais savait que de nombreuses personnes étaient concernées. La signification de ce message et le sort réservé à certains des Israéliens enlevés étaient donc parfaitement clairs. » https://blogs.mediapart.fr/alain-marshal/blog/070724/la-verite-sur-le-7-octobre-tsahal-declenche-la-directive-hannibal-haaretz

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