« 4003- La plupart des propositions qui ont été écrites sur des matières philosophiques sont non pas fausses, mais dépourvues de sens. Pour cette raison, nous ne pouvons absolument pas répondre aux questions de ce genre mais seulement établir qu’elles sont dépourvues de sens. La plupart des propositions et des questions des philosophes viennent de ce que nous ne comprenons pas la logique de notre langage.
(Elles sont du même genre que la question de savoir si le Bien est plus ou moins identique que le beau.)
Et il n’est pas étonnant que les problèmes les plus profonds ne soient en somme nullement des problèmes.
40031- Toute philosophie est critique du langage […]. Le mérite de Russell est d’avoir montré que la forme logique apparente du langage n’a pas besoin d’être sa forme réelle. […]
4.11- La totalité des propositions vraies constitue la totalité des sciences de la nature.
4.111- La philosophie n’est aucune des sciences de la nature.
(Le mot «philosophie» doit signifier quelque chose qui est au-dessus ou au-dessous, mais non pas à côté des sciences de la nature.)
4.112- Le but de la philosophie est la clarification logique de la pensée.
La philosophie n’est pas une doctrine mais une activité.
Une oeuvre philosophique consiste essentiellement en élucidations.
Le résultat de la philosophie n’est pas un nombre de «propositions philosophiques», mais le fait que des propositions s’éclaircissent.
La philosophie a pour but de rendre claires et de délimiter rigoureusement les pensées qui autrement, pour ainsi dire, sont troubles et floues.
4.1121- La psychologie n’est pas plus apparentée à la philosophie qu’aucune autre des sciences de la nature.
La théorie de la connaissance constitue la philosophie de la psychologie.
Mon étude du langage des signes ne répond-il pas à l’étude des processus de pensée, que les philosophes ont tenue pour tellement essentielle à la philosophie de la logique ? Sauf qu’ils s’embrouillaient le plus souvent dans des investigations psychologiques inessentielles, et il y a un danger analogue dans ma propre méthode.
4.1122- La théorie darwiniste n’a pas plus de rapport avec la philosophie qu’aucune autre hypothèse des sciences de la nature.
4.113- La philosophie limite le domaine discutable des sciences de la nature.
4.114- Elle doit délimiter le concevable, et, de la sorte, l’inconcevable.
Elle doit limiter de l’intérieur l’inconcevable par le concevable.
4.115- Elle signifiera l’indicible, en représentant clairement le dicible.
4.116- Tout ce qui peut être en somme pensé, peut être clairement pensé. Tout ce qui se laisse exprimer, se laisse clairement exprimer. […]
4.1212- Ce qui peut être montré ne peut pas être dit. […]
6.211- […].
(En philosophie la question de savoir mène sans cesse à de précieuses élucidations.) […]
6.522- Il y a assurément de l’inexprimable. Celui-ci se montre, il est l’élément mystique.
6.53- La juste méthode en philosophie serait en somme la suivante : ne rien dire sinon ce qui se peut dire, donc les propositions des sciences de la nature – donc – quelque chose qui n’a rien à voir avec la philosophie – et puis à chaque fois qu’un autre voudrait dire quelque chose de métaphysique, lui démontrer qu’il n’a pas donné de signification à certains signes dans ses propositions. Cette méthode ne serait pas satisfaisante pour l’autre – il n’aurait pas le sentiment que nous lui enseignons de la philosophie – mais elle serait la seule rigoureusement juste.
6.54- Mes propositions sont élucidantes à partir de ce fait que celui qui me comprend les reconnaît à la fin pour des non-sens, si, passant par elles, – sur elles – par-dessus elles, il est monté pour en sortir.
Il faut qu’il surmonte ces propositions ; alors il acquiert une juste vision du monde.
7- Ce dont on ne peut parler, il faut le taire.
(Ludwig Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, traduction de Pierre Klossowski, Idées-Gallimard, 1961)